Roger Godino, maître d’ouvrage inspiré

Le 28 février 2020
Roger Godino, à l’origine de la création des Arcs, station moderne de la Haute-Tarentaise. Ph. © Carole Godino.

À l’aube de l’automne, la nouvelle est venue assombrir la fête en Savoie. Alors que la station des Arcs célébrait le cinquantième anniversaire de sa création, son fondateur Roger Godino disparaissait à l’âge de 89 ans. On doit à ce polytechnicien passé par le MIT en 1954 d’avoir non seulement inventé une ville tournée vers le sport, hiver comme été, mais aussi d’avoir créé “l’esprit des Arcs”, qui donne son identité au lieu. Ce projet ambitieux, développé à trois altitudes différentes, s’inscrit bien dans le mouvement de démocratisation du ski (de 100 000 skieurs en 1958 à un million en 1968) et devient un véritable laboratoire d’architecture, en réponse au plan Neige lancé par l’État. L’aventure commence avec Robert Blanc, ce berger-guide charismatique (disparu dans une avalanche en 1980) qui révélera les potentialités de ce site au-dessus de la gare de Bourg-Saint-Maurice, avec laquelle la nouvelle station va être reliée directement par un funiculaire.
Président-fondateur de la Société des montagnes de l’Arc en 1964, Roger Godino n’aura de cesse de vouloir innover, s’appuyant sur l’association qu’il aura le génie de créer entre l’Atelier de l’architecture en montagne (Gaston Regairaz, son copain de lycée, Guy Rey-Millet) et Charlotte Perriand, un trio créatif que rejoindra, dans un second temps, le charpentier-architecte Bernard Taillefer (sans oublier la collaboration de Jean Prouvé), tous disparus aujourd’hui.
“Le vrai bilan est humain. Ce fut vraiment une œuvre, une œuvre collective”, écrira Roger Godino dans son livre Construire l’imaginaire ou La quête inachevée d’un aménageur (1996). Si l’ensemble a été dûment labellisé Patrimoine du XXe, on ne peut le détacher des stations de Flaine, signée Breuer et d’Avoriaz (village des Dromonts du trio Labro Roques et Orzoni) : une magnifique trilogie sur le plan des expérimentations architecturales, chacune dans leur logique en relation au site. Face au mont Blanc, c’est la vision d’un maître d’ouvrage inspiré qui est toujours lisible dans ce projet des Arcs qu’il ne faudrait pas maintenant dénaturer.