Figure atypique et flamboyante de la scène architecturale française, Claude Parent s’en est allé à l’âge de 93 ans. Il s’était d’abord imaginé ingénieur en aéronautique (son père pilotait des avions) et lancé dans les études mathématiques (maths spé), puis il a obliqué vers les Beaux-Arts de Toulouse où il entre en 1942 à l’atelier d’architecture de Noël Le Maresquier, avant de partir continuer ses études à Paris (dans l’atelier de Charles, père de Noël qui le remplacera après son décès). Dès cette époque, il se fait connaître du milieu par son esprit insoumis et polémique, un esprit qui ne le quittera pas. Sa pensée de l’architecture intègre tous les arts, de la peinture au théâtre en passant par la sculpture et le vitrail. Lui-même cultive son image d’artiste dandy, avec à l’appui des automobiles bluffantes, d’abord des voitures de sport, plus tard une Rolls. Mais au-delà de l’apparence du personnage - dont le tropisme pour le théâtre apparaît clairement -, on retiendra surtout son œuvre, bâtie, dessinée et écrite1.
De sa rencontre avec André Bloc2 au début des années 1950 naîtra non seulement son investissement à long terme dans des revues - en particulier L’Architecture d’aujourd’hui - mais aussi certaines de ses œuvres phares, comme la villa Bloc à Antibes3 et la maison de l’Iran à la Cité universitaire de Paris4.
Dans les années 1960, c’est avec le philosophe Paul Virilio qu’il développe l’idée de la “fonction oblique” de l’architecture : il s’agit de dynamiser cette dernière par des plans inclinés et des porte-à-faux, de créer un équilibre instable sollicitant l’effort des usagers ; l’église Sainte-Bernadette-du-Banlay à Nevers en est l’illustration la plus iconique5. Par ailleurs, Virilio et Parent enseigneront tous deux à l’École spéciale d’architecture à Paris.
Critique vis-à-vis des institutions, Claude Parent a paradoxalement obtenu d’elles (la direction de l’architecture au ministère de la Culture et l’Ordre des architectes6) le droit d’exercer en tant qu’architecte en 1966, alors qu’il n’avait pas passé son diplôme. Cela ne l’avait pas empêché de s’associer dès 1949 (jusqu’en 1955) avec Ionel Schein - un autre esprit critique fort actif -, avant de créer sa propre agence en 1956.
Plusieurs des bâtiments de Claude Parent sont aujourd’hui classés ou inscrits sur la liste des Monuments historiques (d’autres en instance) et l’architecte était depuis 2006 membre de l’Académie des Beaux-arts, section Architecture. Il était aussi, depuis fort longtemps, le père spirituel revendiqué de Jean Nouvel7.
Claude Parent a aussi travaillé à plus grande échelle en concevant des centres commerciaux (dont celui de Sens, tout en rampes) et le principe spatial des centrales nucléaires (il en signera lui-même deux, à Cattenom et à Chooz). - GwQ
PS : Nous reviendrons plus en détail sur l’œuvre de Claude Parent dans le n° 7 d’Archiscopie (juill.-sept. 2016).
Notes :
1 - Cf., à la Cité de l'architecture et du patrimoine, l’exposition “Claude Parent : l’œuvre construite, l’œuvre graphique” et le catalogue (en 2010), ainsi qu'une biographie de l'architecte. Une partie des archives de Claude Parent est conservée au Centre d’archives d'architecture de la CAPA.
2 – André Bloc (1896-1966) était un autre créateur atypique, peintre, sculpteur, ingénieur, architecte et rédacteur de revues (il a notamment fondé L’Architecture d’aujourd’hui).
3 – La villa Bloc a été achevée en 1962, inscrite aux MH en 1989, labellisée Patrimoine du XXe siècle en 1993.
4 - Achevée en 1969, la maison de l’Iran (aujourd’hui fondation Avicennes) est cosignée par Claude Parent, André Bloc, Mohsen Foroughi et Heydar Ghiai. Inscrite aux MH en 2008.
5 – L’église Sainte-Bernadette-du-Banlay (Nevers), construite en 1966 et classée MH en 2000, est un monolithe de béton inspiré des blockhaus. Elle a été conçue par Claude Parent et le philosophe Paul Virilio (lui-même au départ maître-verrier), avec Morice Lipsi (sculpteur) et Odette Ducarre (peintre-verrier).
6 – Cf. interview de “Claude Parent, l’architecte qui voulait être libre” (9/2/2016) sur www.neuillyjournal.com.
7 - Cf., entre autres, Jean Nouvel / Claude Parent, musées à venir, ouvrage collectif publié à l’occasion de l’exposition éponyme, éd. Actes Sud/Association Azzedine Alaia, 2016. Voir aussi l’interview conjoint des deux architectes en 2010 sur www.lesinrocks.com