Gregotti, l’écrit et le construit

Le 30 Juin 2020
Le Centre culturel de Belém, Lisbonne, 1988-1995, avec Manuel Salgado arch. Ph. João Carvalho cc by sa 3.0.

“Il a écrit l’histoire de notre culture”, écrira Stefano Boeri à l’annonce de la disparition de Vittorio Gregotti, victime du Covid-19, à l’âge de 92 ans. Investi très tôt dans la critique, l’architecte milanais entrera, à 25 ans, à la rédaction de la célèbre revue Casabella, puis fondera la revue Rassegna en 1979. Homme de l’écrit comme du construit, il publiera en 1966 Il territorio dell’architettura, un ouvrage préfacé par Umberto Eco qui va vite devenir un livre de référence. Il s’intéressera tout particulièrement à l’anthropo-géographie et considérera que le paysage est “un matériau”. Impliqué dans la Biennale d’art de Venise, où il est en charge des arts visuels entre 1975 et 1978, il organisera les premières expositions d’architecture, comme une sorte de off, sur les Zattere. Ce sont les prémices de la Biennale internationale d’architecture qui ouvrira en 1980 avec le thème “La présence du passé” choisi par Paolo Portoghesi et sa célèbre “Strada Novissima”, aux grandes heures du postmodernisme. Vittorio Gregotti s’affirmera par des projets structurants comme l’université de Calabre à Cosenza, fruit d’un concours d’architecture.
Le jury, présidé alors par Georges Candilis, avait retenu ce projet d’architecture-infrastructure en 1973 : une construction linéaire de 3,2 km, un axe sur lequel se sont greffés depuis 21 départements, dans une relation au paysage. La question urbaine est au cœur des réflexions de l’architecte qui devra faire face à des opérations de grande échelle en périphérie, avec le quartier ZEN à Palerme (très critiqué) conçu pour 20 000 habitants en 1969
et avec la reconversion des friches industrielles du quartier de la Bicocca à Milan (1985-2005). Il est l’auteur de grands équipements sportifs (à Gênes, à Nîmes, à Barcelone) et culturels comme la pièce urbaine, tout en pierre, que constitue le Centre culturel de Belém, au bord du Tage à Lisbonne. En France, il participe à la mutation d’Aix-en-Provence : tandis que le Catalan Oriol Bohigas conçoit le plan du nouveau quartier de Sextius-Mirabeau, l’architecte milanais réalise le Grand Théâtre de Provence, face au Pavillon noir de Rudy Ricciotti.