Editorial et sommaire
L’architecture est-elle (encore) un art ? - La question est posée lorsque l'œuvre construite n’est plus considérée comme relevant du droit d’auteur (droit moral) de l’architecte, ce qu’illustre le projet d’extension du musée Arles antique aujourd’hui en chantier(1).
Conçu en 1983 par Henri Ciriani, figure majeure de l’architecture du dernier XXe siècle en France, et achevé en 1995, ce musée a été salué par la critique dans plus de dix pays aux quatre coins du monde2. Aujourd’hui en charge du musée, le département des Bouches-du-Rhône a confié un projet d’extension à un architecte de ses services techniques, semble-t-il sans en avertir Ciriani, convié à la pose de la première pierre. Jean-François Hérelle, l’architecte de l’extension, malgré son intention de “conserver le registre formel et les matériaux voulus par Henri Ciriani”, casse la dynamique de la géométrie triangulaire du musée, édifice solaire reconnaissable entre tous par sa couleur bleu et par le jeu entre pleins et vides qui ancre l’édifice dans le paysage. Le projet d’extension perd ce caractère en colmatant l’angle de la façade d’entrée côté Rhône. Transformer un édifice sans consulter l’architecte-auteur est aujourd’hui banal et questionne le statut de l’architecture.
Si son appartenance aux “beaux-arts”, au même titre que la peinture et la sculpture, a longtemps été une évidence, comme en témoignait l’ancienne école éponyme, sa dimension artistique est aujourd’hui beaucoup moins claire. Son statut est complexe parce que ses acteurs sont multiples, mais aussi parce que, contrairement à la peinture ou la sculpture, elle est indéplaçable et a une valeur d’usage qui peut justifier sa transformation, voire sa destruction, par le propriétaire, pour diverses raisons (isolation, sécurité, extension...).
Il en résulte un certain flou sur l’exercice du droit d’auteur de l’architecte. Celui-ci (ou son ayant droit) devrait en principe être consulté avant toute modification dûment justifiée d’une “uvre originale”. On sait que, de tout temps, la pratique d’extension ou de transformation des bâtiments a été chose courante, y compris pour les châteaux et autres monuments, les adjonctions se faisant au fil des siècles et conférant à l’édifice une épaisseur historique. Mais aujourd’hui tout s’accélère. Rénovations et extensions se succèdent au fil des décennies et non plus des siècles, et le droit moral de l’architecte est souvent bafoué d’où la multiplication des procès. Sans doute manque-t-on de recul pour apprécier l’architecture contemporaine : raison de plus pour la respecter autant que le chaland d’époque romaine, découvert dans le Rhône en 2010, que l’extension du musée d’Arles abritera après une méticuleuse restauration. “À quoi sert en effet de commander des projets originaux à des architectes si c’est pour les défigurer peu de temps après ?”3
Gwenaël Querrien
1 - Surface initiale du musée 7 661 m2 SHON ; extension environ 700 m2 pour un coût de 6 M€. Cf. le projet in dossier de presse Exposition Arles-Rhône 3’ sur www.arles-antique.cg13.fr. Cf. aussi, sur henriciriani.blogspot.fr/, photos et documents, dont une alerte de François Chaslin à la presse, une lettre d’Henri Ciriani, des lettres de confrères...
2 - Cf. entre autres, Caroline Varlet, Bulletin d’informations architecturales, n° 189, déc. 1995, Ifa.
3 - Cf. interview d’Agnès Tricoire, avocate au barreau de Paris spécialiste de la propriété intellectuelle, par Jacques-Franck Degioanni, lemoniteur.fr du 21/7/2008.
Au sommaire
"Logements sociaux à Gennevilliers", par Alain Borie
Zac Debussy-Sévines à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), à l’angle des rues Henri Barbusse et Georges Thoretton. Programme : 50 logements PLA + un local d’activités + 50 places de stationnement. Maîtrise d’ouvrage : OPH de Gennevilliers. Maîtrise d’œuvre : Jean et Aline Harari arch. et Yannick Issaly, arch. assistant. Surface : 4 014 m2 Shon. Coût : 6,35 M€ HT. Livraison : mi-octobre 2011. Raccordement au chauffage urbain. Production d’un minimum de 30 % d’eau chaude sanitaire par panneaux solaires. Isolation par l’extérieur renforcée, 12 cm de laine minérale. Label H&E, profil A.
"Un musée nomade, le Centre Pompidou mobile", par Bertrand Verfaillie
Centre Pompidou mobile. Maîtrise d’ouvrage : Centre Pompidou. Maîtrise d’œuvre : agence Construire, Patrick Bouchain et Loïc Julienne arch. Livraison : 2011. Surface utile : 650 m2. Emprise globale de l’installation : de 1 500 à 3 000 m2, selon les configurations. Coût de construction : 1,7 M€. Financement : ministère de la Culture et de la Communication et mécénat privé. Coût de chaque étape d’itinérance : 400 000 €. Le Pompidou mobile est à Cambrai jusqu’au 15/5/2012 (ouvert 6 jours sur 7, entrée gratuite), avec quinze œuvres exposées sur le thème de la couleur. Prochaines étapes, de trois mois en trois mois, à Boulogne-sur-Mer et Libourne. Puis en 2013, au Havre, à Nantes et à Aubagne.
"Paysage agricole : une ferme à Vernand", par Gabriel Ehret
Aménagement d’une ferme d’élevage à Vernand, Fourneaux (Loire). Maîtrise d’ouvrage : ÉARL de Vernand. Maîtrise d’œuvre : Fabriques architectures paysages (Pierre et Rémi Janin arch.-paysagistes). Calendrier : 2005 début des études, opération en cours (livraison par tranches successives, jusqu’à l’horizon 2025). Surface : 56 ha, plus une cinquantaine en trois sites d’estive. Cf.www.fabriques-ap.net
"La Havane : patrimoine en péril ?", par Rémi Guinard
Maria Elena Martín Zequeira, Eduardo Luis Rodríguez Fernández, La Habana : Guía de Arquitectura / Havana, Cuba: An Architectural Guide, La Havane / Séville, Ciudad de La Habana / Consejero de Vivienda y Ordenación de Territorio, 2009, 328 p. Eduardo Luis Rodríguez (dir.), Docomomo_Cuba, La Arquitectura del Movimiento Moderno. Selección de Obras del Registro Nacional, La Havane, Edicione Unión, 2011, 248 p.
"Restructuration de la Tour F, Cité de l’air, Balard", par François Lamarre
à Paris 15e. Intervention : désamiantage, dépollution, restructuration et mise aux normes. Programme : 735 chambres individuelles (standard 2 étoiles) et bureaux. Maîtrise d’ouvrage : Défense nationale - Établissement du service d’infrastructure de la Défense de Paris. Maîtrise d’œuvre : AIA (architectes ingénieurs associés), Christian Bougeard arch. mandataire, Daniel Pardo chef de projet, François Thomas directeur d’exécution. Franck Hammoutène, arch. associé. Surfaces : 35 250 m2 SHON dont 12 900 m2 d’espaces tertiaires. Coûts des travaux : 19 M€ HT désamiantage + 98 M€ HT restructuration. Calendrier : concours 2002, contrat 2003, désamiantage 2006-2007, restructuration 2008-2012, commission de sécurité et livraison février 2012.
"Les quatre concepts fondamentaux de l’architecture contemporaine", par Thierry Mandoul
Richard Scoffier, Les Quatre Concepts fondamentaux de l’architecture contemporaine, Paris, Norma, 2011, 115 p., 25 €.
"La patrimonialisation des grands ensembles", par Nolwenn Rannou
• Valérie Gaudard, Florence Margo-Schwoebel, Benoît Pouvreau (dir.), 1945-1975, une histoire de l’habitat, 40 ensembles “Patrimoine du XXe siècle”, Issy-les-Moulineaux, Beaux-Arts éditions / TTM éditions, 2010, 96 p., 12 €.
• Ministère de la Culture et de la Communication / Direction générale des patrimoines (dir.), Les Grands Ensembles, une architecture du XXe siècle, Paris éd. Dominique Carré, 2011, 255 p., 32 €.
"New urbanism, a visual dictionary", par Serge Santelli
Dhiru A. Thadani (dir.), The Language of Towns and Cities. A visual Dictionary, New York, éd. Rizzoli, 2010, 95 $. Avec une préface de Léon Krier et une introduction d’Andrés Duany.