N°123 - été 2013

Éditorial et sommaire

Pour les mélanges urbains - La ville vivante est bien trop complexe pour se satisfaire d’une conception monofonctionnelle des espaces publics, qui plus est procédant par retours de balancier.

Dans les années 1970, la voiture faisait l’objet de toutes les sollicitudes - Paris, notamment, fut menacé d’être cisaillé par des autoroutes urbaines -, alors qu’aujourd’hui la bien-pensance écologique conduit de nombreux élus à favoriser le “tout piéton”, en oubliant les effets stérilisants du zonage fonctionnel1. Ainsi à Marseille, le réaménagement du Vieux-Port menace-t-il à terme de faire de ce lieu mythique2, autrefois populaire, une zone touristique. Certes, le bassin était déjà devenu, ici comme ailleurs, un parking à bateaux de plaisance, les quais accueillant, outre les badauds, quelques pittoresques étals de poissons et les baraques des clubs nautiques. Le réaménagement en cours vient de “semi-piétonniser” l’espace public du Vieux-Port, inversant la proportion réservée aux piétons et aux engins roulants (désormais 2/3 et 1/3) et transférant les clubs nautiques sur des pontons pour libérer les quais. Ainsi la promenade autour de l’eau est-elle belle, le nez loin des pots d’échappement, même si les rues de délestage sont d’autant plus saturées. Pourtant l’idée serait, au final, de rendre tout cet espace entièrement piéton, sauf à laisser passer tramway ou bus en site propre, mais ni voitures ni camions.
Or, vouloir faire de la promenade piétonne la fonction première des centres-villes réaménagés va à l’encontre de la diversité d’activités indispensable à la vitalité urbaine. D’ailleurs, le tourisme lui-même ne se satisfait pas des seuls promeneurs pour exister mais a besoin de tout un monde de travailleurs qui ne peuvent être à pied ou à vélo : livreurs, artisans, entreprises de travaux... Au-delà, faut-il exclure du cœur de ville ceux qui n’ont pas (ou qui n’ont plus) la santé pour circuler à pied ou à vélo, ni même en métro ou en bus3 ? Et faut-il interdire l’accès du Vieux-Port aux actifs marseillais qui y passent en voiture bien autant par amour du lieu que parce que c’est un itinéraire logique ? Ce qui est vrai à Marseille l’est aussi ailleurs, comme à Amsterdam ou à Paris, où certains secteurs touristiques sont réservés aux piétons et aux vélos, l’étroitesse des rues pouvant parfois justifier cette exclusive.
On sait pourtant qu’au final, ces quartiers se vident de leur substance, investis par les commerces franchisés - les mêmes partout -, ou par des boutiques de souvenirs et de restauration rapide qui les transforment en une sorte de parc d’attractions, comme Montmartre le week-end. Un récent dimanche à Paris, j’ai emmené mes parents faire une ballade en voiture et roulé depuis Pigalle jusqu’au carrefour Barbès-Rochechouart pour leur faire découvrir le Louxor ressuscité4, face au métro aérien et à la circulation, tant piétonne qu’automobile. Quel plaisir que de vivre ces mélanges urbains dans ce quartier populaire très animé, non “réservé” aux touristes même s’ils y sont nombreux !
Gwenaël Querrien

1 - Cf. à ce propos, p. 29, Jane Jacobs, Déclin et survie des grandes villes américaines.
2 - Cf. p. 16, “Marseille, du Vieux-Port à l’hôtel-Dieu”.
3 - Lire à ce propos : Guy Konopnicki,
Le Silence de la ville, 2011, éd. JBZ et Cie.
4 - Cf. p. 20, “Le Louxor, un cinéma de quartier néo-égyptien ressuscité”.

 

 

Au sommaire

 

"Marseille, du Vieux-Port à l’hôtel-Dieu", par François Lamarre
• Réaménagement du Vieux-Port à Marseille.
Programme : semi-piétonisation du Vieux-Port avec ombrière et clubs nautiques, aménagement du centre-ville attenant. Maîtrise d’ouvrage : communauté urbaine Marseille Provence Métropole. Maîtrise d’œœuvre : équipe Michel Desvigne paysagiste mandataire / Foster & Partners / Tangram Architectes / Ingérop / Yann Kersalé, concepteur lumière. Aire concernée : 400 ha. Calendrier : concours 2010, 1re phase (fond du Vieux-Port, de l’hôtel de ville à la place aux Huiles et plan d’eau correspondant) livraison 2013, 2e phase (prolongation de l’aménagement des quais jusqu’aux forts, reliant les espaces verts du bassin de carénage jusqu’à la plage des Catalans en passant par le palais du Pharo et le Cercle des nageurs : la chaîne des parcs) livraison 2015-2017.
• Rénovation îlot hôtel-Dieu.
Programme : reconversion de l’hôtel-Dieu en hôtel 5* de 194 chambres et construction de 85 logements locatifs attenants sur parking 260 places. Maîtrise d’ouvrage : Altarea Cogedim, promoteur, pour Axa Reim, investisseur, et Intercontinental, exploitant hôtelier. Maîtrise d’œœuvre : équipe Agence Anthony Béchu, architecte mandataire / Tangram Architectes. BET et maîtrise d’œœuvre d’exécution : Egis. Architecture intérieure : Tangram Architectes. Surfaces : 23 000 m2 (hôtel-Dieu) + 9 000 m2 (logements sur parking en infra). Coûts des travaux : 72 M€€ HT (hôtel-Dieu) + 12 M€€ HT (logements). Montants investis arrondis : 100 M€€ (hôtel-Dieu) + 25 M€ (logements). Livraison avril 2013.

"Le Métaphone, un instrument de musique urbain à Oignies", par Bertrand Verfaillie
Le Métaphone®, site de la fosse 9-9bis, Oignies (Pas-de-Calais). Programme : salle de concert et instrument de musique urbain pour 500 à 1 000 personnes. Maîtrise d’ouvrage : communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin. Maîtrise d’œœuvre : Hérault-Arnod architectes. Paysagiste : Cap Paysages. Programmiste : Café Programmation. Économiste : Michel Forgue. Scénographie : Ducks Scéno. Compositeur et designer sonore : Louis Dandrel. Acousticien : Maurice Auffret. Éclairagiste : Hervé Audibert. Surface : 1 920 m2 Shon. Coût global : 6,39 M€€ HT. Financement : Feder / Agglomération d’Hénin-Carvin / État / Région Nord - Pas-de-Calais / Département du Pas-de-Calais. Calendrier : étude 2005, début des travaux janvier 2011, livraison mai 2013. Cf. aussi Archiscopie, n° 75, mars 2008.

"Le Louxor, un cinéma de quartier néo-égyptien ressuscité", par Gwenaël Querrien
Cinéma Le Louxor (Henri Zipcy arch., 1921), 170 boulevard de Magenta, Paris 10e. Programme : rénovation et création de trois salles de cinéma de 342, 140 et 74 places, d’un hall d’accueil, d’un foyer, d’un bar avec terrasse au niveau du deuxième balcon de la grande salle, des réserves. Maîtrise d’ouvrage : Ville de Paris (maîtrise d’ouvrage déléguée : mission cinéma de la Ville de Paris). Maîtrise d’œœuvre : Philippe Pumain et Fabre & Speller arch. associés. Calendrier : appel d’offres de rénovation 2007 ; études 2008-2009 ; chantier patrimonial nov. 2009 à avril 2010 ; chantier sept. 2010 à mars 2013. Coût : 25 M€€. Cf. aussi : Jean-Marcel Humbert (dir.), Le Louxor. Palais du cinéma, Bruxelles, AAM, 2013, 204 p., 35 €€.

"Pour la Cité de refuge", par Marie-Jeanne Dumont
Cité de refuge, rue Cantagrel et rue du Chevaleret, Paris 13e (1930-1933, Le Corbusier arch. avec Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand). Programme : réhabilitation lourde. Maîtrise d’ouvrage : Armée du salut. Maîtrise d’ouvrage déléguée : Immobilière 3F. Maîtrise d’œœuvre : Opéra architectes et François Châtillon ACMH.

"Interférences. Architecture Allemagne-France, 1800-2000. Exposition à Strasbourg", par Pierre Pinon
“Interférences / Interferenzen. Architecture, Allemagne-France. 1800-2000”, exposition présentée au musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, jusqu’au 21/7, puis au Deutsches Architekturmuseum de Francfort du 3/10/2013 au 12/1/2014. Cf. Calendrier, Expo. Strasbourg. Commissariat : Jean-Louis Cohen et Hartmut Frank, avec Volker Ziegler. Scénographie : Frenak & Jullien architectes. Catalogue éponyme, Strasbourg, éditions des Musées de la Ville de Strasbourg, 2013, 466 p. 59 €€.

"Patrimoines, héritage / hérésie, ou la démolition comme nécessité", par Thierry Mandoul
Agora, Biennale d’architecture, d’urbanisme et de design de Bordeaux 2012, sous la direction de Michèle Larüe-Charlus, créatrice de cet événement culturel et directrice générale de l’Aménagement de la Ville de Bordeaux. Commissaire de l’exposition, “Patrimoines, héritage / hérésie”, qui s’est tenue du 13 au 16/9/2012 : Marc Barani. Scénographie : Birgit Fryland. Les films présentés pendant l’exposition sont visibles sur le site www.agora2012exposition.com. Réalisation : Christian Barani.

"Trois films, trois regards sur la ville contemporaine", par Rémy Guinard
• Chaumière, documentaire d’Emmanuel Marre. France / Belgique, 2013 (72’ version longue / 52’ version courte), prod. Centre vidéo de Bruxelles / TS Productions / Arte / RTBF / Centre de l’audiovisuel à Bruxelles. Sur Arte en septembre (date non précisée).
• Ainsi squattent-ils, documentaire de Marie Maffre. France, 2012 (90’), prod. K’ien Productions ; distr. Les Films de l’Atalante. En salles depuis le 5 juin.
• La Dernière Fois que j’ai vu Macao, film de João Pedro Rodrigues et João Rui Guerra da Mata. Portugal / France, 2012 (85’), Vost, prod. Blackmaria / Épicentre films ; co-prod. Le Fresnoy, studio national des arts contemporains ; distr. Épicentre films. En salles depuis le 29 mai.

"Déclin et survie des grandes villes américaines", par Éric Furlan
Jane Jacobs, Déclin et survie des grandes villes américaines, Marseille, Parenthèses, 2012, 412 p., 18 €€.

"Paris, France, Monde. Repenser l’économie par le territoire", par Jean-Pierre Le Dantec
Pierre Veltz, Paris, France, Monde. Repenser l’économie par le territoire, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube (coll. L’urgence de comprendre), 2012, 237 p., 15 €€.

"Joseph Urban, le dernier Viennois", par Serge Santelli
John Loring, Joseph Urban, New York, Abrams, 2010, 224 p., 50 $.

Mensuels parus