N°68 - mai 2007

Éditorial et sommaire

De l’architecture-abri des premiers villages humains à l’architecture-objet d’art, quelques millénaires à peine se sont écoulés. Une architecture sublime, celle des princes ou des dieux, a émergé dans toutes les grandes civilisations au côté de l’architecture ordinaire abritant les populations.

Ainsi l’édification des pyramides égyptiennes relevait-elle d’une certaine folie des grandeurs et de l’exploit technique dans des conditions jamais élucidées1. Qu’en est-il aujourd’hui où nos connaissances sont éclairées par les progrès incessants des sciences - de l’astrophysique à la médecine en passant par la géologie, la paléontologie, l’océanographie, l’histoire... -, ce qui pourrait induire une organisation plus rationnelle de notre monde ? En fait, les choses n’ont guère changé, si ce n’est dans la sophistication des moyens mis en œœuvre pour reproduire les mêmes schémas, avec une exacerbation de la volonté de performance dont n’importe quel programme peut devenir le prétexte.
Au risque de la caricature, on peut dire que l’homme de l’art imagine une forme, les bureaux d’études techniques, intégrés ou non dans son équipe, étudient ensuite comment la construire, et on se débrouille pour y vivre au mieux (un exemple parmi d’autres : l’Arche de La Défense). Après une modernité fonctionnaliste aux accents parfois intégristes (l’interdit du décor) dont les grands ensembles furent un gigantesque avatar, la critique des années 1970, issue des sciences sociales, a valorisé la dimension de l’usage comme nouvelle finalité d’une architecture rationnelle et humaniste. Mais, peu inspirée par cet objectif, l’architecture des années 70 a bientôt laissé place à de nouveaux formalismes : le post-modernisme des années 1980, puis le déconstructivisme des années 1990 répondant au désir de l’architecte d’être reconnu comme artiste. Dans notre société de l’image publicitaire, l’effet Bilbao a engendré la “gehrymania” : que les projets soient publics ou privés, l’architecture-objet aux formes sculpturales fascine les édiles, comme si la rigueur budgétaire n’existait plus, alors qu’on sait que la complexité formelle a un coût et est nécessairement réalisée au détriment d’autres éléments du projet, en particulier la qualité des matériaux.
Au moment où la construction du musée des Confluences à Lyon tarde du fait d’un différent entre architecte et entreprise, dans une situation de complexité formelle évidente au départ risquant d’entraîner un dérapage budgétaire, a été choisi pour la Philharmonie de Paris2 à La Villette le projet tectonico-déconstruit de Jean Nouvel... L’architecture de l’extrême, que l’on imaginerait répondre à des conditions particulières (climatiques, spatiales, sous-marines...), serait-elle devenue une “performance artistique”, un extrémisme des formes et des prouesses techniques ayant valeur en soi, sans autres considérations ? Tandis que les tours les plus hautes continuent leur vertigineuse compétition mondiale, les formes les plus complexes se multiplient, comme si les nouveaux logiciels de calcul et le besoin de reconnaissance autorisaient à faire fi de l’économie de la construction, de la logique thermique (revendiquée par ailleurs) et souvent de la fonctionnalité, sans parler de l’esthétique : de l’interdit du décor en architecture, serait-on passé à l’architecture-décor ?
Gwenaël Querrien

1 - Cf. les nouvelles hypothèses en 3D d’un architecte, § Actualité, p. 20.
2 - Cf. Brèves, p. 23.

 

 

Au sommaire

 

"L’un et le multiple. L’école d’architecture de Paris-Val de Seine", par Richard Scoffier
Quai Panhard et Levassor, Paris 13e. Maîtrise d’ouvrage : ministère de la Culture (Émoc). Maîtrise d’œœuvre : Frédéric Borel arch., Marc Younan chef de projet.

"Deux scènes musicales : le Zénith de Limoges et l’Autre Canal à Nancy", par Olivier Namias
• Zénith de Limoges, 16 avenue Jean Monnet, Limoges (87). Maîtrise d’ouvrage : Communauté d’agglomération de Limoges. Maîtrise d’œœuvre : Bernard Tschumi arch., Véronique Descharrières chef de projet, Atelier 4 architecte d’opération associé.–
• L’Autre Canal, Scène de musiques actuelles (Smac), 45 boulevard d’Austrasie, Nancy (54). Maîtrise d’ouvrage : Mairie de Nancy. Maîtrise d’œœuvre : Périphériques Architectes (Anne-Françoise Jumeau + Emmanuelle Marin + David Trottin arch.), S. Razafindralambo chef de projet.

"Exposition à Bobigny. Bidonvilles en Seine-Saint-Denis", par Olivier Namias
“Bidonvilles, histoire et représentations en Seine-Saint-Denis (1954-1974)” , Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, Bobigny, jusqu’au 31/5/2007.

"Le chantier de la pyramide de Khéops : une théorie en 3D temps réel", par Anne Moignet-Gaultier
Théorie de Jean-Pierre Houdin arch. présentée le 30 mars à Paris. Cf. le film sur le site internet de Dassault Systèmes : www.3ds.com/khufu.

"Sur Arte : Cités à la casse, Villa “mon rêve”, etc.", par Rémi Guinard
Thema “Fractures urbaines, fractures sociales” sur Arte, le 1/5/07, avec les documentaires (Fr., 2006) : Les Bobos dans la ville d’Amal Moghaizel ; Cités à la casse de Frédéric Compain ; Villa “Mon rêve” de Jean-Louis André. 

"Cinéma : Still Life et Dong", par Rémi Guinard
• Still Life, fiction de Jia Zhang Ke, Chine, 1h48.
• Dong, documentaire de Jia Zhang Ke, 1h10. 

"Comme une danse. Les Carnets du paysage", par Anne Demerlé-Got
Comme une danse, Les Carnets du paysage, n°13 et 14, Arles/Versailles, Actes Sud/École nationale supérieure du paysage, 2007, 380 p., 30 €€.

“Basics” : Vignole de poche pour étudiants", par Thierry Mandoul
Collection “Basics”, Bâle, éd. Birkhäuser, 2007, 12,90 €€ chaque. Ouvrages déjà parus :
• Bert Bielefeld, Isabella Skiba, Dessin technique, 76 p.
• Manfred Hegger, Hans Drexler, Martin Zeumer, Matérialité, 88 p.
• Tanja Brotrück, Construction de toitures, 78 p.
• Nils Kummer, Construire en maçonnerie, 72 p.
• Alexander Schilling, Maquettes d’architecture, 80 p.–
• Jan Krebs, Concevoir l’habitat, 74 p.
À paraître en 2007 : Idée de projet, CAO, Construire en bois, Systèmes porteurs.
Titres en préparation : La Photographie d’architecture numérique, Le Concept du projet, Appel d’offres, Direction des travaux, Construction en acier, La Façade, Places, Éléments constituants d’une ville.

"Atlas de Paris au Moyen Âge", par Pierre Pinon
Philippe Lorentz et Dany Sandron, Atlas de Paris au Moyen Âge. Espace urbain, habitat, société, religion, lieux de pouvoir, Paris, éd. Parigramme, 2006, 239 p., 49 €€.

Mensuels parus