Patrimoine et création - Il n’y a pas si longtemps, le patrimoine du XIXe siècle était souvent méprisé par l’intelligentsia, aussi bien par les amateurs d’architecture plus ancienne, des XVIIe et XVIIIe siècles en particulier (une nostalgie de l’ancienne aristocratie ?), que par les modernes et notamment les architectes.

Un tournant a été pris dans les années 1970 avec les premiers grands projets de reconversion du bâti XIX^e : la gare d’Orsay en musée d’art du XIX^e siècle, la grande halle aux bestiaux de La Villette en espace culturel... Construite à la veille de l’Exposition universelle de 1900 en même temps que le Grand et le Petit Palais, la gare d’Orsay (V. Laloux arch.) a en commun avec ces deux édifices de cacher une structure métallique innovante derrière des façades de pierre académiques. Inadaptée dès le début des années 1940 - ses quais sont trop courts pour les nouvelles rames -, la gare connaît divers usages et menace d’être rasée dans les années 1960 pour laisser place à un hôtel de luxe et à un centre de conférences, comme à Montparnasse. Un projet auquel s’est notamment essayé Le Corbusier. Après bien des débats, elle sera finalement inscrite à l’Inventaire sous Pompidou (1973), classée sous Giscard (1978) qui a décidé de la transformer en musée, lequel sera inauguré par Mitterrand en 1986 (Bardon, Colboc, Philippon arch.). C’est un succès.
Par ailleurs, l’urbanisme longtemps décrié mais souvent imité du Paris haussmannien est réhabilité grâce aux travaux d’historiens¹ : le XIX^e siècle fait désormais partie du paysage culturel largement partagé. La vie étant un éternel recommencement, c’est aujourd’hui la méconnaissance de l’architecture du XX^e siècle, en particulier du patrimoine moderne, qui préoccupe nombre d’historiens et d’amateurs d’art militant pour faire émerger une conscience de sa valeur artistique, technique et sociétale. Sans vouloir bien sûr tout conserver, il faut savoir reconnaître les bâtiments et ensembles remarquables, dont certains promis à la démolition, comme hier les halles du Boulingrin à Reims et aujourd’hui la “halle Esquillan” au cœur de Fontainebleau².
Les publications des chercheurs des écoles d’architecture et des universités contribuent à cette cause par un travail d’inventaire raisonné qui documente une production foisonnante, assurant au moins sa trace sur papier. C’était l’objectif déclaré de l’architecte franco-libanais Jade Tabet lorsqu’il a écrit le “Portrait de ville” sur Beyrouth (2001) où il affirmait que les spéculateurs immobiliers détruisaient la ville plus encore que la guerre. C’est aussi celui de Philippe Bonnet et Daniel Le Couédic en publiant Architectures en Bretagne au XX^e siècle, une somme étonnante qui renouvelle le regard sur le paysage breton contemporain³. La question de l’avenir du patrimoine moderne peut même se poser à l’échelle d’une ville entière, comme aujourd’hui à Chandigarh - le seul projet urbain à grande échelle de Le Corbusier réalisé - qui devrait passer de 1 à 2 millions d’habitants⁴. Autant d’exemples⁵ qui interrogent la relation entre patrimoine et création.
Gwenaël Querrien

1 - Cf. en particulier ceux de François Loyer et ceux de Pierre Pinon.
2 - Cf. Jean-François Cabestan, § Actualité.
3 - Cf. Nolwenn Rannou, § Documents.
4 - Cf. Thierry Mandoul, “Retour de Chandigarh”, § Actualité.
5 - Voir aussi la visite de l’Ifremer par Dominique Amouroux, § Actualité.

Au sommaire

"Retour de Chandigarh", par Thierry Mandoul

"Fontainebleau, plaidoyer pour la halle Esquillan", par Jean-François Cabestan

"Patrimoine moderne visite de l’Ifremer à Nantes", par Dominique Amouroux
Ifremer Centre Atlantique, rue de l’Île d’Yeu, Nantes (Loire-Atlantique). Maîtrise d’ouvrage : port autonome de Nantes - Saint-Nazaire et ISTPM. Maîtrise d’œœuvre : Olivier Vaudou et Reymond Luthi, avec Serge Zieleniuk architecte collaborateur et Jean Prouvé constructeur. Concours, 1963. Inauguration, 1968.

"Lycée René-Goscinny, à Drap", par François Lamarre
Au lieu-dit Fontanil, Drap (Alpes-Maritimes). Programme : lycée de 900 élèves, demi-pension pour 800, gymnase et plateau sportif, logements de fonction, sous label BBC et démarche développement durable. Maîtrise d’ouvrage : Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec l’Agence régionale d’équipement et d’aménagement (AREA), mandataire. Maîtrise d’œœuvre : Rémy Marciano et José Morales, architectes, avec Jean-Luc Fugier et Mathieu Barbier-Bouvet, chefs de projet. Surface : 9 200 m² utiles. Coût des travaux : 18,7 M€€ HT pour environ 30 M€€ d’investissement total avec le foncier, l’aménagement, la gare… Calendrier : concours 2008, démarrage des travaux 2010, livraison septembre 2012.

"Le 'Stab', un vélodrome couvert à Roubaix", par Bertrand Verfaillie
Vélodrome couvert Jean-Stablinski, avenue Van der Meersch à Roubaix (Nord). Maîtrise d’ouvrage : Région Nord - Pas-de-Calais. Maîtrise d’œœuvre : ANAA Architectes, mandataire. Architecte piste du vélodrome et piste de bicross extérieure : Van Acker & Partners. BET : Projex Ingénierie. Architecte paysagiste : Empreinte. Coût des travaux : 25 M€€ (Région Nord - Pas-de-Calais : 13,9 M€€ ; Lille-Métropole communauté urbaine : 7,2 M€€ ; État - Centre national pour le développement du sport : 2 M€€ ; Feder : 1,02 M€€ ; Ville de Roubaix : 0,88 M€€).

"Exposition 'Monacopolis', le début d’une histoire", par Simon Texier
“Monacopolis. Architecture, urbanisme et urbanisation à Monaco, réalisations et projets 1858-2012”, Nouveau Musée national de Monaco, villa Paloma, 56 boulevard du Jardin Exotique, jusqu’au 12/5/2013 et villa Sauber, 17 avenue Princesse Grace, jusqu’au 30/12/2013.

"Hommage à Alan Colquhoun (1921-2013)", par Jean-Claude Garcias

"Architectures en Bretagne", par Nolwenn Rannou
• Philippe Bonnet, Daniel Le Couédic, Architectures en Bretagne au XX^e siècle, Quimper, Palantines, 2012, 395 p., 90 €€.
• André Mérian, Damien Sausset, Ouest, Trézélan, Filigranes, 2013, 69 p., 25 €€.

"La Défense, un dictionnaire et un atlas", par Jean-François Pousse et Gwenaël Querrien
Pierre Chabard, Virginie Picon-Lefebvre (dir.), La Défense : tome 1, Un dictionnaire, architecture / politique ; tome 2, Un atlas, histoire / territoire, + chronologie (illustrée) sur dépliant indépendant, Marseille, Parenthèses, 2013, 462 p. et 222 p., 44 €€.