N°69 - été 2007

Éditorial et sommaire

La tradition comme moteur de la culture - La vieille Europe est fascinée par les grands chantiers des émirats du Golfe(1) et des métropoles asiatiques, reflets de taux de croissance sans commune mesure avec les siens.

Dans le même temps, de nombreux pays en perte de la mémoire de leur propre culture semblent éprouver le besoin de renouer, au moins symboliquement, avec leurs racines en s’intéressant à leur patrimoine, parfois en s’appuyant sur l’expertise française et via les organismes internationaux. Maigre consolation. Au-delà des chiffres et des images (souvent kitsch) de la croissance, on peut s’interroger sur la signification de l’évolution récente des formes urbaines, qui traduit toujours, d’une manière ou d’une autre, des enjeux politiques. Est-ce un hasard si les nouvelles références en matière de typologie et de morphologie urbaines, peu ou prou adoptées depuis l’après-guerre dans le monde entier, viennent tout droit des États-Unis, grande puissance jusqu’ici hégémonique ? Si, dans ce pays réputé à histoire courte (en oubliant les Amérindiens), les colons européens ont importé les formes et les savoir-faire de leurs différents pays d’origine, la fusion des communautés dans le nouvel État fédéral a poussé à l’effacement progressif des réminiscences venues d’ailleurs. Symboles de la culture américaine comme les hamburgers et le Coca-cola, gratte-ciel, résidences sécurisées et parcs à thèmes sont devenus des figures incontournables de la modernité. Ces derniers s’espèrent même les vecteurs d’une connaissance du patrimoine mondial en reproduisant à échelle réduite des monuments ou en disneylandisant les formes “traditionnelles” d’habitat pour en faire le décor de leurs boutiques... Dans les pays de culture ancienne, qu’ils soient européens, asiatiques ou autres, la tradition en architecture, loin d’une pratique d’embaumement du patrimoine local, consistait à transmettre de génération en génération des savoir-faire constructifs et des modèles typo-morphologiques que l’on améliorait ou réinterprétait sans cesse. Cela permettait d’avoir, outre des chefs-d’œuvre, une production moyenne de qualité parce que née d’une accumulation du savoir dans le temps (d’une culture) et parce que l’on ne prétendait pas créer ex nihilo. L’architecture comme projet étant un langage, on utilise pour sa conception le vocabulaire élaboré par d’autres depuis des siècles, sans cesse enrichi et transformé. La rupture voulue par le Mouvement moderne a cassé ce processus, tant pour la création des édifices que pour celle des formes urbaines2. Bien sûr, dans les faits, cette rupture n’a été que partielle. Mais le dogmatisme des puristes, parmi lesquels des architectes talentueux, a permis de développer avec cynisme une construction pauvre parce qu’amnésique, même si les robinets peuvent y être en or massif. En cette époque du jeu vidéo, on en vient à oublier que l’image 3D est de fait en 2D et que les matériaux pèsent. L’effacement du temps dans l’accumulation du savoir comme dans l’objectif de durée de l’architecture, que l’on imaginait autrefois construire pour l’éternité (ou presque) et que l’on prétend aujourd’hui bâtir pour quelques décennies, appauvrit la création, tant au niveau de l’imaginaire qu’à celui du faire. L’architecture pensée comme éphémère prend le statut de décor.
Gwenaël Querrien

1 - Cf. § Actualité, Dubaï.
2 - Cf. § Actualité, Vaulx-en-Velin.

 

 

Au sommaire

 

"Vaulx-en-Velin : recomposition du centre-ville", par Gwenaël Querrien
Maîtrise d’ouvrage : Communauté urbaine de Lyon et Ville de Vaulx-en-Velin, avec Serl aménageur. Maîtrise d’œuvre : Atelier des paysages Alain Marguerit et Atelier de la Gère Bernard Paris arch.

"La parcelle oubliée. Logements PLI à Paris", par Jean-Claude Garcias
Sept logements PLI et zéro parking, 317 rue de Belleville, 75019 Paris. Maîtrise d’ouvrage : Régie immobilière de la Ville de Paris. Maîtrise d’œœuvre : Odile Seyler arch., Renaud Marret assistant. Livraison : mai 2007.

"Bordeaux se met au vert. Le musée botanique", par Alain Borie
Maîtrise d’ouvrage : Ville de Bordeaux. Maîtrise d’œœuvre : Françoise-Hélène Jourda arch., avec Catherine Mosbach paysagistes.

"Dubaï", par Serge Santelli
Retour de voyage.

"Venise abandonnée", par Carlotta Darò
La lagune de Venise : un ensemble de 22 îles.

"'Lyon 1800-1914' au musée Gadagne revisité", par Gabriel Ehret
Exposition “Changer la ville, conquérir le monde…”, musée Gadagne, Lyon, jusqu’au 15/7/2007. 

"Sunny Side of the Doc 2007", par Rémi Guinard
• Sunny Side of the Doc, La Rochelle, du 26 au 29/6/2007.
Cf. www.sunnysideofthedoc.com
• “Aventures urbaines”, série de Martine Gonthié, 1 Dvd, 19,90 €€.
Diff. www.cinematheque-bretagne.fr, tél. 02 98 43 38 95.
• Huis clos pour un quartier, de Serge Steyer, 1 Dvd, 18 €€.
Diff. Mille et Une Films, 11 rue Denis Papin, 35000 Rennes, tél. 02 23 44 03 59.
• La Ville partagée, d’Éric Blanchot, 1 Dvd, 19 €€.
Diff. www.frenchcx.com.

"Les abords du chez-soi", par Jean-Claude Garcias
Christian Moley, Les Abords du chez-soi, en quête d’espaces intermédiaires, Paris, éd. de La Villette, 2006, coll. Penser l’espace, 256 pages et 20 planches, 18 €€.

"Le métro de Moscou", par Olivier Namias
Josette Bouvard, Le Métro de Moscou. La construction d’un mythe soviétique, Paris, éd. du Sextant, 2005, 325 p., 25 €€.

"Un Atlas de Lhassa", par Serge Santelli
Knud Larsen, Amund Sinding-Larsen, The Lhasa Atlas. Traditional Tibetan Architecture and Townscape, Londres, Serindia Publications, 2001, 180 p.

"Les maisons paysannes en France", par Pierre Pinon
Jean-René Trochet, Les Maisons paysannes en France et leur environnement (XVe-XXe siècles), Grâne, éd. Créaphis, 2006, 605 p., 35 €€.

Mensuels parus