N°122 - mai 2013

Éditorial et sommaire

Le Droit à la ville - Lorsque, deux mois avant mai 68, Henri Lefebvre publie son célèbre livre1, il suscite une prise de conscience de l’importance du phénomène urbain, qu’il veut mettre au cœur des débats de société avec pour objectif la réappropriation de la ville par ses habitants.

Si la ville est le lieu du pouvoir économique et politique, elle est aussi accueillante à toutes sortes d’échanges, commerciaux autant que culturels. C’était vrai dans la ville traditionnelle européenne, lieu de toutes les mixités - sociales, religieuses, générationnelles, d’activités... -, même si cela ne va pas sans conflits.
Mais la ville se spécialise peu à peu lorsque le développement concomitant de l’industrie et des transports - collectifs autant qu’individuels - permet de séparer lieu de résidence et lieu de travail, ce qui s’amorce au XIXe siècle et s’amplifie au fil du temps. La doctrine fonctionnaliste - symbolisée par la charte d’Athènes (1931) - viendra renforcer le phénomène en théorisant la séparation des fonctions. Ses préceptes seront largement suivis pendant les Trente Glorieuses, période où le besoin de production quantitative de logements(Reconstruction, exode rural, éradication de l’habitat insalubre) veut que l’on construise beaucoup et à bas prix, donc hors des villes-centres où aucune politique de maîtrise du foncier n’a été pensée pour juguler la spéculation. C’est que celle-ci a justement l’avantage de justifier par le coût du foncier l’exclusion des populations dangereuses (électoralement). La ségrégation sociale, qui a toujours existé mais se vivait dans une certaine proximité physique, se transcrit désormais en une ségrégation spatiale à l’échelle territoriale, constitutive de ghettos. C’est une version moderne du mythe de la tour de Babel où les citoyens sont si séparés qu’ils finissent par ne plus se comprendre car ils ne connaissent bientôt plus rien les uns des autres.
Aujourd’hui où les effets de l’exclusion menacent la paix sociale et où les déplacements pendulaires quotidiens de millions de travailleurs sont devenus un vrai casse-tête, en particulier en Île-de-France (saturation des transports collectifs, fatigue des usagers, pollution, embouteillages...), la mixité sociale et fonctionnelle devient un objectif politique, alors qu’on l’a fait disparaître sans état d’âme.
Les études récentes de l’Atelier international du Grand Paris2, sous l’intitulé “Habiter le Grand Paris”, posent la question fondamentale du vivre en ville, au-delà du point de vue technocratique qui a prévalu ces dernières années et qui voudrait que “la solution” soit dans les transports, alors que la crise du logement bat son plein3. Si la question des transports est bien réelle, elle n’est qu’un aspect de la question urbaine posée par le précurseur que fut Henri Lefebvre. Si les citoyens sont égaux en droit, alors chacun doit pouvoir vivre en ville et la réappropriation de celle-ci par tous ses habitants est une nécessité. En provenance du monde entier, du Sud comme du Nord, les initiatives militantes des lauréats du Global Award for Sustainable Architecture4 peuvent éclairer de diverses manières cette perspective.
Gwenaël Querrien

1 - La pensée d’Henri Lefebvre est depuis longtemps très commentée dans le monde anglo-saxon. Cf. dans ce numéro l’ouvrage de Lukasz Stanek, p. 26.
2 - Dossier téléchargeable sur www.ateliergrandparis.fr/news.
3 - Cf. § Brèves, Rapport 2013 sur le mal-logement, Fondation Abbé-Pierre.
4 - Cf. p. 12, symposium du 6 mai à la Cité, et www.locus-foundation.org.

 

 

Au sommaire

 

"Marseille, le MuCEM au J4", par Gwenaël Querrien
Le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), projet sous maîtrise d’ouvrage du ministère de la Culture et de la Communication (direction générale des Patrimoines), s’organise sur trois sites à Marseille, pour un coût d’investissement global de 190,95 M€€ (financement : État 132,9 M€€ / collectivités territoriales - Ville, Département et Région : 58,05 M€€).
• Le bâtiment principal, sur le môle J4 : maîtrise d’ouvrage déléguée Oppic. Maîtrise d’œœuvre : Rudy Ricciotti architecte mandataire, avec Roland Carta architecte associé (C+T architecture). BET structure : Sica SA. Économiste : Cec Salinesi. Paysagiste : In Situ. Maîtrise d’œœuvre des aménagements muséographiques : Studio Adeline Rispal. Coût de construction du bâtiment principal J4, muséographie incluse : 113,40 M€€. Surface utile : 15 718 m2 Shon, dont 1 600 m2 d’exposition permanente, 2 000 m2 d’exposition temporaire, un espace d’accueil du public de 1 787 m2, un restaurant de 1 100 m2, une librairie de 285 m2, un auditorium de 335 places, 2 415 m2 de bureaux et 3 694 m2 pour la logistique. Calendrier : concours d’architecture 2002, jugé en 2004 ; permis de construire juin 2008 ; chantier juillet 2010 ; livraison décembre 2012.
• Le fort Saint-Jean, à l’entrée du port contre le môle J4, monument classé restauré par François Botton, architecte en chef des Monuments historiques, et accueillant une partie des collections.
• Le Centre de conservation et de ressources (CCR) à la Belle de Mai (réalisé en PPP), conçu par Corinne Vezzoni architecte (Cf. Archiscopie, n° 115, article de F. Lamarre).

"Versailles - Saint-Quentin. Bibliothèque universitaire", par François Lamarre
Bibliothèque des sciences et techniques, université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 45 avenue des États-Unis, Versailles (Yvelines). Maîtrise d’ouvrage : Région Île-de-France. Mandataire : Icade Promotion. Maîtrise d’œœuvre : Badia-Berger Architectes (Marie-Hélène Badia, Didier Berger, architectes, avec Stéphane Nikolas chef de projet, Trevor Ablott, chef de projet travaux, et Jérémy Kumala, assistant projet). Surface : 4 011 m2 Shon. Montant des travaux : 7,057 M€€ HT. Calendrier : concours juin 2006, livraison rentrée

“Saint-Nazaire, le Courtil Sylvestre", par Dominique Amouroux
Le Courtil Sylvestre, Zac du Courtil Brécard, à Saint-Marc-sur-Mer, Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Programme : 12 maisons individuelles BBC(T3 au T5) sur parcelle privative de 80 à 300 m2 et deux immeubles BBC de 5 appartements chacun (T1 au T4). Maîtrise d’ouvrage : Sonadev / Groupe Brémond / Ville de Saint-Nazaire. Maîtrise d’œœuvre : Garo-Boixel. Urbaniste : In Situ A&E. Paysagiste : Zéphir. Surface du terrain : 5 190 m2. Surface totale construite : 2 000 m2. Montant des travaux : 2,63 M€€ HT, compris VRD, aménagements extérieurs, plantations. Calendrier : concours 2009, début des travaux janvier 2012, livraison avril 2013.

"La Briqueterie centre chorégraphique du Val-de-Marne", par Alain Borie
La Briqueterie, centre de développement chorégraphique du Val-de-Marne, rue Robert Degert à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Programme : 1 studio-scène, 3 studios de danse, administration, accueil. Maîtrise d’ouvrage : conseil général du Val-de-Marne. Maîtrise d’usage : la Briqueterie / CDC. Maîtrise d’œœuvre : Philippe Prost-AAPP. Paysagiste : In-folio paysagistes. Scénographie technique : Scène. Signalétique : Pierre di Sciullo. 1 % artistique, œuvre lumière : Yann Toma. Montant des travaux : 8 M€€ HT. Surface : 3 400 m2 dont restructuration 1 300 m2 Shon, extension 2 100 m2 Shon. Calendrier : études 2004-2006 ; chantier 2010-2012.

"Al Reem Island à Abu Dhabi : la ville des maquettes", par Simon Texier

"Louis Le Vau et les nouvelles ambitions de l’architecture française", par Marie-Jeanne Dumont
Alexandre Cojannot, Louis Le Vau et les nouvelles ambitions de l’architecture française, 1612-1654, Paris, Picard, 2012, 368 p., 67 €€.

"Henri Lefebvre on Space", par Caroline Maniaque
Lukasz Stanek, Henri Lefebvre on Space. Architecture, Urban Research, and the Production of Theory, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2011, 369 p., 30 $.

"Toulouse territoires Garonne. Habiter en bord du fleuve", par Anne Demerlé-Got
Rémi Papillault, Enrico Chapel, Anne Péré, Toulouse territoires Garonne. Habiter en bord du fleuve, Toulouse, Presses universitaires du Mirail (coll. Architectures), 2012, 304 p., 28 €€.

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