L’habitat participatif relancé ? Sur les pas de Lucien Kroll - La loi ALUR(1) va-t-elle relancer l’habitat participatif, imaginé dès la fin des années 1950 par quelques rares pionniers, comme l’architecte belge Lucien Kroll, et resté jusqu’ici marginal ?

Sans pouvoir prédire l’avenir, la reconnaissance officielle de cette démarche, volontaire et autogérée, désormais inscrite dans la loi qui prévoit deux statuts juridiques possibles pour l’encadrer², tous deux à “objet social”, devrait faciliter les choses. Le volet juridique de telles opérations était en effet souvent la pierre d’achoppement des candidats à l’expérience. Restera toujours la difficulté majeure : concrétiser un projet collectif complexe, coûteux et chronophage, qui exige imagination, écoute, confiance et vigilance de tous les instants. Ce n’est sans doute pas l’effet du hasard si le Lieu unique de Nantes vient de présenter une rétrospective du travail des Kroll - Lucien l’architecte et Simone la jardinière paysagiste -, deux figures humanistes dont Patrick Bouchain, commissaire de l’exposition, se revendique le fils spirituel et à qui il rend un hommage vivifiant.
Au-delà de l’exposition (itinérante), qui a été l’occasion de rencontres stimulantes avec eux, on ne saurait assez recommander de lire l’ouvrage publié à cette occasion³. Il montre en effet, de façon simple mais qui donne beaucoup à réfléchir, la quête de diversité et de complexité, en un mot d’humanité, irriguant en permanence le “travail en marchant” des Kroll. Dans le même temps - celui du projet - critique et créatif, Lucien Kroll se met constamment en danger par le recours à la participation des habitants⁴, tout au long des décennies qui séparent son premier projet de 1957 (la transformation d’une étable en atelier d’art à l’abbaye de Maredsous, en Belgique) de ceux les plus récents (“faire avec les grands ensembles” revisités, détourner, densifier, diversifier, complexifier...).
En parcourant le livre au fil d’une quinzaine de projets représentatifs de sa démarche, on voit transparaître en toile de fond les grands moments de l’histoire récente de l’architecture : la critique des grands ensembles ; l’émergence de l’industrialisation, lourde puis par composants, Kroll utilisant cette dernière non pour uniformiser mais pour diversifier, avec l’aide de la toute jeune informatique qui permet d’envisager toutes les combinatoires possibles ; la critique d’une postmodernité ne rompant que formellement avec la répétitivité militaire des grands ensembles et se contentant de servir l’ego du signataire sans réel bénéfice pour l’habitant... Dès 1961, les Kroll ont monté un projet d’habitat collectif autogéré à Auderghem et participé à l’aventure, expérimentant sur eux-mêmes ce qu’ils prônent pour les autres : 15 logements collectifs ont ainsi pris la place des 5 villas initialement prévues sur ce terrain, contrant l’étalement urbain. Ils y habitent encore. Inspirées de ce modèle pionnier, des initiatives ont émergé ici et là, précédant avec courage les facilitations de la loi ALUR, comme le montre une opération atypique réalisée à Lyon et présentée dans ce numéro.
Gwenaël Querrien

1 - Projet de loi n° 1179 pour l’“accès au logement et un urbanisme rénové” (ALUR).
2 - Ce sont les “sociétés coopératives d’habitants” et les “sociétés d’autopromotion”.
3 - Patrick Bouchain (dir.), Simone et Lucien Kroll. Une architecture habitée, Actes Sud.
4 - Rares sont les maîtres d’ouvrage qui souscrivent à cette démarche pleine d’imprévus si bien que nombre de leurs projets ont été arrêtés en chemin.

Au sommaire

"Viavino, centre d’œœnotourisme, Pays de Lunel", par François Lamarre
Pôle œnotouristique en greffe de village, à Saint-Christol (Hérault). Maîtrise d’ouvrage : communauté de communes du pays de Lunel (avec la chambre d’agriculture de l’Hérault, la CCI de Montpellier, le syndicat des coteaux du Languedoc, le comité départemental du tourisme, la pépinière d’entreprises Via Innova). Programmistes : CPO - les m² heureux. Maîtrise d’œœuvre : Atelier Philippe Madec. Paysagiste : In Situ. Surfaces : 1 432 m² construits en sept bâtiments et 6 445 m² d’aménagement paysager sur une emprise de 2 ha. Coût total : 7,262 M€€ (dont 4,2 M€€ coût de construction) dont 25 % Département, 18 % État et 5 % Région. Calendrier : obtention du label PER (pôle d’excellence rurale) décembre 2006, désignation du lauréat du concours d’architecture décembre 2008, obtention du permis de construire février 2010, début des travaux janvier 2011, ouverture publique juin 2013.

"Mémorial du camp des Milles", par Jean-François Pousse
Site-mémorial du camp des Milles, 40 chemin de la Badesse, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Programme : aménagement des abords, espaces d’accueil, ateliers pédagogiques et auditorium, centre de ressources, exposition, espaces mémoire. Maîtrise d’œœuvre : Atelier Novembre (M. Iseppi & J. Pajot). Maîtrise d’ouvrage : fondation Mémoire du camp des Milles. Concours : 2005. Inauguration : septembre 2012. Terrain : 7 ha. Surface : 12 000 m² Shon. Coût : 9 M€€ HT.

"Habitat coopératif à Villeurbanne", par Gabriel Ehret
Immeuble d’habitat coopératif, d’accession sociale à la propriété et de locatif d’insertion, à Villeurbanne (Rhône). Maîtrise d’ouvrage : Village vertical et Rhône Saône Habitat. Maîtrise d’œœuvre : Detry & Lévy / Arbor & Sens arch. Surfaces habitables : 1 011 m² dans le Village, 1 741 m² dans le Jardin de Jules. Coût de l’opération : 6,25 M€€ HT. Rhône Saône Habitat a assuré la réalisation des 24 logements en accession sociale. Sur les 14 logements du Village, 9 sont financés en prêt locatif social avec une aide du Grand Lyon de 50 €/m² Shon ; le Village a financé sur fonds propres ses 4 logements d’amis et ses 4 logements pour jeunes en insertion bénéficiant de PlAIi.

"Le Corbusier et la question du brutalisme", par Marie-Jeanne Dumont
Exposition présentée à Marseille jusqu’au 22/12. Commissaire : Jacques Sbriglio. Catalogue : Jacques Sbriglio (dir.), LC au J1. Le Corbusier et la question du brutalisme, Marseille, Parenthèses, 2013, 286 p., 29 €€.

"Théâtres en utopie. Exposition à Arc-et-Senans", par Guy Lambert
Saline royale d’Arc-et-Senans - Cité des utopies (Doubs), jusqu’au 30/3/2014. Commissaire : Yann Rocher. Scénographie : Xavier Dousson et Victor Francisco. L’exposition sera présentée au Lieu unique à Nantes, du 17/10/2014 au 11/1/2015. Un ouvrage accompagnant l’exposition, sous la direction de Yann Rocher, paraîtra aux éditions Actes Sud (coll. L’Impensé) à l’occasion de cette deuxième présentation.

"André Le Nôtre", par Jean-Pierre Le Dantec
• Patricia Bouchenot-Déchin, André Le Nôtre, Paris, Fayard, 2013, 656 p., 27 €€.
• Patricia Bouchenot-Déchin et Georges Farhat (dir.), André Le Nôtre en perspectives (1613-2013), Paris / Versailles, Hazan/ Château de Versailles, 413 p., 49 €€ ; catalogue de l’exposition éponyme présentée au château de Versailles du 22/10/2013 au 23/2/2014.

"Hassan Fathy dans son temps", par Serge Santelli
Leïla El-Wakil (dir.), Hassan Fathy dans son temps, Gollion, Infolio, 2013, 420 p., 47 €€.

"Les Visionnaires, documentaire", par Rémi Guinard
Les Visionnaires, documentaire de Julien Donada, Petit à petit Production (en coproduction avec le Frac Centre, et al., et avec la participation du ministère de la Culture et de la Communication, France, 2013, 71’. Digipack Dvd + livret (6 p.), éd. Lowave, 20 €€.