N°52 - octobre 2005

Le logement à la une

Lors du rigoureux hiver 1954, après qu’une femme soit morte de froid dans la rue, l’abbé Pierre lançait son appel historique à la solidarité envers les sans-logis de l’époque qui étaient “plus de 2000”. La construction massive des ensembles des années 60 et 70 avait fini par résorber peu ou prou la crise du logement de l’après-guerre.

Cinquante ans après, contre la raison qui voudrait que les pays les plus riches soient aussi les plus protecteurs, mourir de froid est redevenu un drame ordinaire des villes occidentales. Mais cet été 2005, des incendies d’hôtels meublés et d’immeubles à Paris ont fait plusieurs dizaines de morts. À partir de ces tragédies, la grande presse a enfin fait état de l’actuelle crise du logement. La situation est préoccupante dans les grandes villes, et plus encore dans la capitale. La CFTC a révélé qu’une centaine d’employés de la Ville de Paris était répertoriée comme SDF en 2004 et qu’ils seraient encore une cinquantaine à l’heure actuelle. Les responsables politiques de tous bords semblent démunis face à l’aggravation d’une situation que personne n’ignore, mais que tout le monde admet comme étant une fatalité du système libéral où la spéculation et la prise d’intérêts boursiers règnent en maîtres. Jusque tout récemment, il était convenu de croire que les SDF et les squatters d’immeubles insalubres étaient tous des immigrés sans papiers, des chômeurs de longue durée ou des cas particuliers. On s’apitoyait sur leur sort, mais cela relevait de l’exclusion ordinaire, implicitement admise. Par contre, avouer que la spéculation immobilière et les loyers exorbitants finissent par jeter à la rue des gens apparemment intégrés socialement est une tout autre affaire. Les statistiques révèlent qu’un tiers des SDF travaillent, souvent en emplois précaires. La question de savoir si un travailleur qui gagne le Smic peut accéder au logement locatif privé dans les grandes villes ne se pose même pas. Celle de l’accession au logement social se pose par contre en années d’attente (330 000 demandes en Île-de-France). Aujourd’hui, ce sont les classes moyennes qui s’inquiètent de ne plus pouvoir louer un logement en ville, tant les loyers sont élevés et les garanties exigées abusives. La loi du marché veut que pour faire baisser le prix d’un produit, il faille en augmenter l’offre. C’est dans cette perspective que le récent congrès des HLM à Nantes avait au programme une réflexion sur “Maîtriser le foncier pour développer l’offre”. La maîtrise du foncier reste en effet l’éternelle clef du problème, ce qu’a relevé en diverses occasions Paul-Louis Marty, le délégué général de l’Union sociale de l’habitat (ex-UNFOHLM). Une autre réalité est que, en favorisant l’accès à la propriété, le stock de logements locatifs diminue, donc les loyers augmentent. Et l’architecture dans tout cela ? Tant que l’offre sera rare, l’expérimentation architecturale en matière de logement social - comme à la Cité manifeste de Mulhouse - sera plus architecturale que sociale et restera une succession d’opérations isolées. D’ailleurs, les coûts de construction des HLM étant sensiblement les mêmes que ceux de la promotion privée, l’intérêt d’expérimenter sur un programme social tient surtout à la certitude de trouver des locataires.
Gwenaël Querrien

Mensuels parus