N°45 - décembre 2004

Le recyclage des bâtiments

La discussion sur la restauration des édifices ne date pas d’hier - c’était quasiment le seul débat admis à l’ancienne École des beaux-arts -, mais son champ d’extension prend une ampleur croissante.

Les prises de position en la matière sont toujours aussi contrastées. Au débat opposant les tenants de la restauration à ceux de la restitution des monuments, ou aux adeptes des ruines, s’est ajoutée, à l’issue des deux guerres mondiales, la question de la reconstruction des villes. Ensuite ce furent la réhabilitation et le recyclage changement d’utilisation) des bâtiments désaffectés, liés aux mutations d’activités, industrielles ou tertiaires (reconversion de friches, etc.) ; ou encore la réhabilitation massive d’immeubles de logements - parfois bien construits comme les HBM de la ceinture de Paris, mais plus souvent médiocres -, dont les normes d’isolation, d’équipements et de sécurité n’étaient plus adaptées. Or, s’il est évident que, de tout temps, on a fait des travaux de remise à neuf dans les constructions, ce qui a changé radicalement, c’est le rythme, toujours plus court, et l’échelle, toujours plus grande (parfois des quartiers entiers), d’intervention, ceci sans guerre ni catastrophe. Si bien qu’aujourd’hui, le volume des réhabilitations est bien supérieur à celui de la construction neuve. La position extrême consiste évidemment à faire sauter les bâtiments à problèmes, qu’il s’agisse d’une question de sécurité physique (c’est alors logique), de la volonté de recomposer un quartier en le débarrassant de bâtiments constituant des verrous qui le coupent de l’extérieur (l’intention est louable), ou même du souhait de remplacer un projet par un autre supposé plus agréable : tours et barres des “grands ensembles” laissent alors place à de petits immeubles plus amènes, avec souvent un déficit de nombre de logements et/ou un calendrier des travaux qui permettent de reprendre la main sur la clientèle... La critique des grands ensembles, stigmatisés dès lors que ce sont des “quartiers difficiles”, conduit aujourd’hui à adopter la même stratégie de rénovation-bulldozer qui les a vu naître en ville ou en périphérie proche, et dont on sait que les motivations étaient bien autant électorales (déplacement d’habitants des quartiers populaires de la ville vers la banlieue) que techniques (les chemins de grue, l’urgence, etc.). C’est une réponse simpliste, et par là inadéquate, à une question complexe mêlant coût du foncier, modes de vie, état du bâti et formes urbaines. Plus ponctuelle, mais non moins ardue, surgit de plus en plus souvent et dans l’urgence, le problème de la conservation du patrimoine moderne, qu’il s’agisse d’ensembles urbains ou d’édifices isolés. Plusieurs articles de ce numéro éclairent diversemment cette question de la modernisation des villes et de la préservation du patrimoine1.
Gwenaël Querrien

1 - Cf. § Actualité, “Turin” (friches et reconversions), “l’ambassade de France à Varsovie”, l’“exposition Becher”, l’exposition “Bellotto”, le symposium sur la restauration “Vivre avec l’histoire”, et, § Brèves, “Tripoli”.

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