N°47 - février 2005

Reconstruire en Asie

La catastrophe majeure du tsunami d’Asie du Sud aura-t-elle pour conséquence, au-delà des indicibles drames personnels et collectifs, l’émergence de nouvelles solidarités à l’échelle de la mondialisation ? Si la peur n’évite pas le danger, en l’occurrence elle incite à mettre en place des dispositifs d’observation sur toute la planète, les ressortissants des pays les plus riches du monde étant devenus de grands voyageurs et étant donc potentiellement en péril partout.

Même si le motif n’est pas désintéressé, le résultat seul compte. Aujourd’hui, de multiples ONG proposent une aide d’urgence aux populations des pays sinistrés. À côté des traditionnelles équipes de la Croix rouge, du Secours populaire, de Médecins sans frontières, etc., d’autres groupes pratiquent un prosélytisme plus ou moins avoué pour des factions politiques, religieuses ou sectaires, des pays eux-mêmes ou d’ailleurs... Ceci n’est pas nouveau, mais c’est révélateur des limites de l’entraide. La surmédiatisation amplifie sans doute le phénomène, mais elle a le mérite de le montrer au grand jour. Cela devrait aussi alerter sur ce qui se passe dans les zones socialement sinistrées de notre propre pays. En matière de reconstruction des pays d’Asie dévastés, on est dans une logique où l’urgence prend une autre dimension qu’en ce qui concerne l’aide alimentaire ou médicale. Un certain nombre d’architectes travaillent depuis longtemps déjà sur le champ de la construction ou de la reconstruction dans les pays en difficulté, que ce soit du fait de leur situation économique, de catastrophes naturelles ou des guerres. Les seuls à se situer comme intervenants dans l’urgence sont les Architectes de l’urgence, association qui s’est constituée lors des inondations en France en 2001, et que l’on retrouve depuis au chevet des catastrophes planétaires (Alger, Bam, etc.), proposant leurs services principalement pour évaluer les dégâts et les périls induits (risque d’effondrement). Pour la reconstruction elle-même, l’action s’inscrit dans une temporalité différente, comme le disent avec insistance des architectes membres d’Architecture et développement1, appartenant au réseau international de l’association Architectes sans frontières et travaillant dans le temps long avec des réseaux locaux. Ils soulignent le risque d’interventions trop rapides, avec des solutions provisoires importées qui deviennent souvent définitives - ne serait-ce que parce qu’elles ont un certain coût -, alors qu’elles sont inadaptées aux contextes de production et aux cultures locales. L’aide d’urgence joue alors contre le développement et rend les pays du Sud plus dépendants, ce qui n’est en principe pas l’objectif. La reconstruction doit viser le long terme, même dans les procédures dites d’urgence, ce qui implique réflexion, concertation et coordination.
Gwenaël Querrien

1 - Cf. articles, en particulier : Ludovic Jonard, “La reconstruction de post-urgence est une affaire de développement” (8/1/05) ; et Marc Gossé, “Tsunami et reconstruction : l’urgence contre le développement ?” (14/1/05).

Mensuels parus