N°129 - mars 2014

Éditorial et sommaire

Hard French(1), le retour ? L’architecture soumise aux nouvelles réglementations thermiques n’a plus grand-chose à voir avec l’architecture bioclimatique expérimentale qui a émergé en France dans les années 1970.

La réflexion sur le développement durable relevait alors d’un courant humaniste - resté marginal - qui, face à la crise du pétrole, rêvait d’une mutation bénéfique : arrêter le gaspillage en gérant les ressources de la planète de façon intelligente et équitable. Aujourd’hui la doctrine est devenue techniciste et les labels certifiant les performances en matière d’économie d’énergie (HQE, BBC...) servent de cartes de visite aux projets, rendant tout autre objectif subalterne. Il est vrai que l’on a perdu 30 ans, les lobbies leaders sur le “marché” du développement durable étant pour certains les mêmes que ceux qui ont tout fait pour empêcher l’émergence des analyses critiques et des propositions des empêcheurs de tourner en rond qui imaginaient produire leur énergie eux-mêmes en échappant aux réseaux officiels.
Pourtant, au Vorarlberg dans les années 1980, les architectes ont réussi à concilier modernité et durabilité, en s’appuyant sur l’économie locale. La France doit désormais faire vite, d’où une réglementation exigeante qui impose des contraintes mais limite aussi certains abus2. Heureusement, les architectes ne réagissent pas tous de la même manière face aux mêmes prescriptions. Une tendance voit dans la bouteille thermos étanche (avec ventilation mécanique double-flux), le modèle idéal de la construction contemporaine, simplifiant les volumes au maximum et réduisant les fenêtres au minimum vital, faute de pouvoir les supprimer. Hormis l’échelle, le résultat n’est pas sans rappeler l’austère monotonie de certains grands ensembles issus de la préfabrication lourde et du chemin de grue, même si aujourd’hui les façades sont en général plus légères, multicouches, superposant parements minces et isolants épais.
Le capotage sous toutes ses formes - lattes de bois, tôles diverses, panneaux en matériaux composites -, autrefois l’apanage des locaux industriels, est devenu la règle quasi générale, quel que soit le contexte. Les revêtements extérieurs font dans le meilleur des cas quelques centimètres d’épaisseur quand ils sont autoporteurs, comme les parements de granit du projet rennais de Bruno Gaudin évoqué dans ce numéro. Une autre démarche - plus rare puisque toute surface en plus est considérée comme un luxe - consiste à enrichir le projet par des espaces du type serre ou jardin d’hiver, qui font tampon entre intérieur et extérieur. De larges surfaces vitrées optimisent les apports solaires, tant pour la lumière que pour la chaleur, associées à une ventilation naturelle et à divers systèmes d’obturation (volets extérieurs, stores ou autres) permettant de régler l’ambiance au goût de chacun3. Espérons qu’avec le temps cette conception plus libre gagne du terrain.
Gwenaël Querrien

1 - Terme emprunté à Bruno Vayssière, cf. Reconstruction, déconstruction : le Hard French ou l’architecture française des Trente Glorieuses, éd. Picard, 1988.
2 - Le rapport entre surface vitrée et surface habitable ayant tendance à baisser dans les logements neufs (13 %), la RT 2012 impose le ratio minimum de 17 %, améliorant l’apport solaire pour réduire chauffage et éclairage.
3 - Cf. Tour Bois-le-Prêtre, Lacaton & Vassal arch.,
Archiscopie, n°111, mars 2012.

 

 

Au sommaire

 

"Immeuble de bureaux et pôle de quartier à Rennes", par François Lamarre
Immeuble de bureaux et pôle municipal de quartier (le Blosne), place de la Communauté, Rennes (Ille-et-Vilaine). Programme : réalisation du siège social d’Archipel habitat (180 postes de travail) et d’un pôle municipal de quartier comprenant mairie-annexe, salle polyvalente, locaux de services et stationnement. Maîtrise d’ouvrage : Archipel habitat, office public d’habitat de Rennes Métropole. Maîtrise d’œœuvre : Bruno Gaudin architectes, avec Benoît Gautier, architecte associé. Surface : 8 535 m2 Shon + 72 places de parking sur 2 niveaux en sous-sol. Montant des travaux : 14,7 M€€ HT. Calendrier : concours 2009, livraison 2013.

"Résidence pour étudiants et chercheurs à Massy", par François Lamarre
Résidence Léonard-de-Vinci, quartier Atlantis, 22 rue Léonard de Vinci, Massy (Essonne). Programme : 179 logements dont 140 studios pour étudiants et 39 plus grands pour chercheurs, plus un logement de gardien (T3) et 50 places de parking en sous-sol. Aménageur : Semmassy. Maîtrise d’ouvrage : Interconstruction, pour cession à Opievoy (office public d’habitat). Gestionnaire : Fac-habitat. Maîtrise d’œœuvre : Élizabeth Naud & Luc Poux, architectes associés, avec Sabine Moscati et Benoît Chaste, chefs de projet. Démarche HQE et THPE. Surface : 6 000 m2 Shon. Montant des travaux : 8,2 M€€ HT. Calendrier : projet agréé dans le cadre d’un macro-lot en 2010, chantier en 18 mois, livraison en septembre 2013.

"La Maison de l’habitat durable à Lille", par Bertrand Verfaillie
Maison de l’habitat durable, 7bis rue Racine à Lille (Nord). Maîtrise d’ouvrage : Ville de Lille. Maîtrise d’œœuvre : Atelier 9.81, Geoffroy Galand et Cédric Michel arch. Scénographie : Atelier Smagghe. Surface : 950 m2 Shon. Coût de construction et d’aménagement : 4,2 M€€. Calendrier : concours février 2011 ; début des travaux novembre 2011 ; livraison automne 2013.

"Exposer l’architecture. Espace discursif, espace scénographique'", par Julien Bastoen
Colloque au Centre Pompidou, les 16 et 17/1/2014, sous la direction scientifique de Stéphanie Dadour et Léa-Catherine Szacka, avec Jean-Pierre Criqui et Romain Lacroix.

"Le cinéaste Amos Gitai, 'architecte de la mémoire'", par Rémi Guinard
À l'occasion de l'exposition “Amos Gitai, architecte de la mémoire”, du 26/2 au 6/7/2014 et de la rétrospective des films d’Amos Gitai, du 26/2 au 6/4/2014 à la Cinémathèque française, ainsi du cycle de quatre rencontres organisé à la Cité, au mois de mars, autour de la série "Architectures en Israël / Conversations avec Amos Gitai" (disponible en coffret 3 Dvd [16x23’], édité par Épicentre films, en partenariat avec la Cité).

"Detroit, Braddock : deux villes en faillite explorées par le documentaire", par Rémi Guinard
Braddock America, de Jean-Loïc Portron et Gabriella Kessler, France, 2013, 101’, prod. Christine Doublet et Fabrice Coat / Program33. En salles le 12/3/2014.

"L’univers architectural de Raj Rewal", par Serge Santelli
Giordano Tironi, Humanisme et architecture. Raj Rewal, construire pour la ville indienne, préface de Kenneth Frampton, Paris, L’Âge d’homme, 2013, 310 p., 45 €€.

"Le dictionnaire universel des femmes créatrices", par Gwenaël Querrien
Le Dictionnaire universel des créatrices, ouvrage collectif, sous la direction de Béatrice Didier (professeure de littérature à Paris-8 puis à l’ENS Paris), Antoinette Fouque (cofondatrice du MLF et créatrice des Éditions des femmes en 1973) et Mireille Calle-Gruber (écrivaine et professeure de littérature à Paris-3), Paris, Éditions des femmes, 2013, 5 000 p. (en 3 volumes). Section architecture sous la dir. d’Anne-Marie Châtelet.

"La place du chœœur, architecture et liturgie", par Arnaud Ybert
Sabine Frommel, Laurent Lecomte (dir.), La Place du chœœur, architecture et liturgie du Moyen Âge aux Temps modernes, actes du colloque organisé par l’EPHE qui s’est tenu les 10 et 11 déc. 2007 à l’INHA, Paris / Rome, Picard / Capisano Editore (coll. Itinéraires percosi), 2012, 300 p., 50 €€.

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