N°76 - avril 2008

Sommaire et éditorial

Architecture et utopie - La question du sens de l’utopie en architecture est récurrente, et plutôt pensée à l’échelle urbaine. Les philosophes grecs parlaient déjà de la ville idéale, même s’il s’agissait d’abord de son organisation politique et sociale qui se traduisait aussi dans l’espace.

L’architecture utopique peut-elle être réalisable, donc réaliste ? Malgré une apparente contradiction - l’Utopie serait, selon Le Petit Robert relayant Thomas More1, un “pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux”-, c’est sa fonction critique intrinsèque qui est sa dimension réaliste (ainsi More critique-t-il l’Angleterre de son époque). Quand on évoque l’utopie en architecture, on cite souvent Ledoux, ami de Diderot et des Encyclopédistes du siècle des Lumières, ou, pour le Mouvement moderne, le groupe Team 10 et - entre autres Français - l’Atelier de Montrouge, tous deux exposés aujourd’hui à la Cité2. En ce début de troisième millénaire où il est de bon ton de déplorer l’impossibilité de la critique architecturale au prétexte de l’absence de théorie(s) ou de doctrine(s), ce retour sur la critique interne au Mouvement moderne est instructif. On remarque en effet que les architectes de Team 10, y compris ceux qui comme Aldo van Eyck3 ont beaucoup écrit, n’étaient pas des théoriciens. Ils faisaient pourtant un vrai travail critique au sens où ils voulaient faire évoluer le Mouvement moderne, trop élitiste et déshumanisé. On peut d’ailleurs noter que la mondialisation culturelle a précédé la globalisation économique et aujourd’hui financière, l’architecture internationale ayant de facto contribué à un processus d’acculturation planétaire, avec les inévitables réactions locales (historicisme, régionalisme, disneylandisation...). Les deux expositions font donc (re)découvrir des architectes, sans doute idéalistes, qui ont espéré contribuer à améliorer le monde par leur pratique. Dire ici “pratique” plutôt que “projet” signifie qu’il s’agit d’un engagement personnel (sur des thèmes comme “Construire pour le plus grand nombre”, “le logement social”...) qui dépasse la pratique du projet et même la réflexion sur les programmes par sa dimension politique au sens philosophique, parfois doublé d’un engagement citoyen. L’utopie en architecture, dès lors qu’elle est liée à une pratique du projet, relève donc d’une attitude à la fois critique et constructive, le qualificatif d’utopique se confondant d’ailleurs souvent avec celui de visionnaire, ou avec la notion d’avant-garde. Ainsi certains rangeront Le Corbusier parmi les utopistes pour avoir tenté d’imaginer et de formaliser la ville du futur, ce que d’autres réfuteront au motif que la vision utopique du monde ne saurait être conçue ex cathedra et imposée d’en haut au risque de dérives totalitaires dont personne ne rêve, sauf les dictateurs. L’utopie se doit d’être idyllique, donc de proposer un monde meilleur pour tous, à la fois au sens de la communauté et au sens des individus qui la composent, d’où des contradictions incontournables qui mettent à distance rêve et réalité. Ceci implique qu’elle s’appuie sur des valeurs partagées et relève d’une vision aussi démocratique que généreuse4, l’une n’allant pas sans l’autre.

Gwenaël Querrien

1 - Cf. l’Utopia, de Thomas More, qui crée ce terme en 1532.
2 - Cf. programme Cité, p. 12-13.
3 - Cf. § Documents, Aldo van Eyck, Writings.
4 - Cf. § Brèves, le thème du Pavillon français pour la Biennale de Venise.

 

 

Au sommaire

 

"Almere. Le théâtre et centre culturel de SANAA", par Thierry Mandoul
Théâtre et centre culturel de Kunstlinie, Esplanade 12, Almere Stad, Pays-Bas (photo ci-contre). Maîtrise d’ouvrage : Ville d’Almere. Maîtrise d’œœuvre : Kazuyo Sejima+Ryue Nishizawa/Sanaa. Projet : 1999. Début des travaux : 2004. Livraison : décembre 2006. Inauguration officielle : juin 2007.

"Centre de rééducation à Nancy", par Gwenaël Querrien
Centre Louis-Pierquin, 54000 Nancy : Institut régional de médecine physique et de réadaptation (IRR), 75 boulevard Lobau, et Institut de formation en ergothérapie, rue des Sables. Maîtrise d’ouvrage : UGECAM Nord-Est pour l’IRR et école de Kinésithérapie et d’Ergothérapie de Nancy pour l’IFE. Maîtrise d’œœuvre : Agence Brunet-Saunier architecte (Jérôme Brunet arch., Marc Chassin chef de projet), Atelier d’architecture du parc arch. associé ; SIRR Ingénierie BET ; Delphi acousticien ; L-design signalétique. Surface SHON : 22 000 m2 + 1 800 m2. Coût des travaux : 29 M€€ HT + 2 M€€ HT. Études janvier à juillet 2004 ; chantier septembre 2004 à juillet 2006 ; livraison juillet 2006.

"L’Atelier Gwalior, Inde", par Serge Santelli
Module d’enseignement du DSA “Architecture et patrimoine”, option “Villes orientales”, École d’architecture Paris-Belleville. Sur le terrain, du 10 au 23/2/2008, il a été associé à l’École d’architecture de Strasbourg et à l’Institut d’architecture Priyadershini de Nagpur. Savita Raje, professeur au département d’Architecture du collège Manit de l’université de Bhopal et présidente de la très dynamique “Living Heritage Alliance”, assurait la coordination de l’atelier.

"L’architecture dans le marché de l’art ?", par Rémi Guinard
Agence immobilière Architecture de collection - “Architecture remarquable des 20e et 21e siècles”, 21 rue Greneta, 75002 Paris.

"Aldo van Eyck, Writings. Écrits de l’'architecte-philosophe' du Team 10", par Raphaël Labrunye
Vincent Ligtelijn et Francis Strauven (éd.), Aldo van Eyck, Writings. Vol. 1. The Child, the City, and the Artist ; vol. 2. Collected Articles and Other Writings 1947-1998 + 1 Dvd, Amsterdam, éd. Sun, 2008, 984 p., 99,95 €€.

"Lettres à Charles L’Eplattenier", par Anne-Marie Châtelet
Le Corbusier, Lettres à Charles L’Eplattenier. Édition établie, présentée et annotée par Marie-Jeanne Dumont, Paris, Éditions du Linteau, 2006, 308 p., 23 €€.

"Petit traité des villes à l’usage de ceux qui les habitent", par Éric Furlan
Sibylle Vincendon, Petit Traité des villes à l’usage de ceux qui les habitent, Paris, éd. Hachette Littératures, 2008, 180 p., 16 €€.

"Histoire(s) de relogement", par Gabriel Ehret
Catherine Payen, Ryma Prost-Romand, sous la direction de Pierre Gras, Histoire(s) de relogement. Paroles d’habitants, regards de professionnels, Paris, éd. L’Harmattan, coll. “Questions contemporaines”, 2007, 147 p., 14,50 €€.

"La rue à Rome", par Pierre Pinon
Brice Gruet, La Rue à Rome, miroir de la ville. Entre l’émotion et la norme, préface de Jean-Robert Pitte, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006, 557 p., 65 €€.

Mensuels parus