N°53 - novembre 2005

Logement social et expérimentation

Le précédent éditorial, consacré à la crise du logement, évoquait les tentatives d’expérimentation architecturale dans le secteur du logement social, en s’interrogeant sur leur chance réelle de diffusion dans le contexte très tendu du marché.

Ce numéro y revient à propos des 61 logements de la Cité Manifeste à Mulhouse (cf. § Actualité), une opération qu’il faudra revisiter dans cinq ans - au terme du suivi qui va l’accompagner - pour voir comment elle vieillit, mais qui permet dès à présent de poser beaucoup de questions. On retrouve un des projets de la Cité Manifeste - celui d’Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal - dans l’exposition “Panorama de l’architecture européenne” réalisée à l’occasion du Prix Mies van der Rohe 20051, actuellement présentée par l’Ifa-Cité de l’architecture et du patrimoine (cf. p. 12). C’est sans doute un des plus attractifs de l’ensemble mulhousien, tant par son objectif de construire deux fois plus grand pour le même prix, que par les qualités d’ambiances à l’intérieur des logements. Restent les doutes sur la durabilité de telles opérations qui utilisent des matériaux légers en pariant sur l’entretien (comme le changement de plaques de polycarbonate) qui, il faut bien le dire, n’est guère dans la culture française plus présente sur le front de la réhabilitation lourde (voire de la destruction) que sur celui de l’entretien courant. On manque certainement de recul pour évaluer les qualités de procédés ou de matériaux industriels qui évoluent sans cesse. L’opération de Mulhouse, comme d’autres présentées dans l’exposition “Voisins-voisines” qui sera à Arc en rêve (Bordeaux) en décembre, permettra, à défaut de débloquer les questions fondamentales du foncier et de la bulle immobilière qui freinent la construction de logements sociaux, de tester de nouvelles possibilités en matière de construction sur des réalisations d’exception qui bénéficient d’une vraie réflexion conjointe de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre. Cette quête de renouvellement de l’architecture par les nouvelles technologies et les nouveaux matériaux du troisième millénaire est aujourd’hui internationale et se retrouve, de l’autre côté de l’Atlantique, chez les jeunes architectes brésiliens que l’on peut en ce moment découvrir Porte Dorée, dans l’exposition présentée par l’Ifa-Cité à l’occasion de l’année France-Brésil, aux côtés des grands noms de l’architecture moderne brésilienne (cf. p.12). Ce n’est certes pas une révolution, puisque chaque époque connaît des mutations technologiques qui s’inscrivent dans l’architecture. Ce qui est sans doute différent, c’est l’accélération des processus, qui, telle l’évolution des logiciels informatiques, donne à peine le temps de tester une technologie que celle-ci a déjà évolué. Mais, comme la construction n’est pas une activité virtuelle que l’on pourrait mettre à jour comme son ordinateur par quelques clics (et le financement qui va avec), il faut savoir penser l’expérimentation dans le temps relativement long. Difficile à notre époque de zapping tous azimuts.
Gwenaël Querrien

1 - Lauréat : l’ambassade des Pays-Bas à Berlin d’Oma, Rem Koolhaas et Ellen van Loon.

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