N°116 - novembre 2012

Editorial et sommaire

Protéger n’est pas figer - Peut-on assimiler protection du patrimoine (au sens large) et immobilisme comme le fait, non sans provocation, Rem Koolhaas constatant qu’il y a déjà 12 % du monde bâti ou naturel (y compris marin) soumis à des mesures de préservation diverses, en croissance exponentielle, et concluant : “une partie du monde est en transformation permanente et une autre dans une stase permanente(1)” ?

Or, il est manifeste que, dans la vie, protection n’est pas stérilisation, au contraire. Les parcs marins sanctuarisés sont des lieux où la biodiversité se développe et des espèces menacées se reproduisent. C’est bien peu de chose face à la surpêche qui vide les océans et rompt les équilibres de la chaîne alimentaire. De même, les parcs naturels terrestres préservent-ils des écosystèmes locaux (donc, à court terme, des échantillons végétaux et animaux), pendant que les activités humaines dévastent la planète (l’écosystème global), au risque de mettre notre espèce en péril2. On peut bien sûr douter de l’impact de telles protections, au-delà de la consécration de lieux de mémoire et, dans certains cas, de tourisme. Ce dernier terme est un enjeu majeur pour les élus locaux qui proposent le classement de leur ville (en général un secteur) au Patrimoine mondial de l’Unesco, au motif d’une architecture remarquable (cf. Bordeaux, Saint-Pétersbourg...). Sans doute faut-il s’interroger sur l’expertise et les effets - hors croissance du tourisme - d’un tel classement3.
Discutant en public avec Rem Koolhaas, Alain Juppé disait non sans humour que, si le Patrimoine mondial avait existé au XVIIIe siècle, le splendide front bâti de Gabriel sur la Garonne, aujourd’hui protégé, n’existerait sans doute pas, parce que le bâti antérieur aurait été classé ! Pour autant, le maire de Bordeaux pense bénéfique cette action de l’Unesco, garante selon lui d’une diversité architecturale et urbaine que vient gommer la mondialisation. Rem Koolhaas évoquait au contraire le risque d’“homogénéisation” des villes labellisées, lié à l’hypertrophie du tourisme, un risque bien réel en termes de gentrification, de types d’activités et d’enseignes franchisées, mais pas de formes urbaines. L’architecte a d’ailleurs un point de vue plus nuancé si l’on en croit une séquence qui a créé le buzz : à une question du maire de Bordeaux sur l’opportunité d’y construire des tours, il a répondu que c’était “une forme épuisée, tellement associée à la promotion qu’il faut résister à ça4”. Curieusement, cette séquence a été expurgée des vidéos disponibles sur internet. Reste que, sans mesures de protection, l’accélération des mutations urbaines, régentées par des processus purement spéculatifs, favoriserait la tabula rasa, autrement dit la perte de mémoire, donc de culture.
Gwenaël Querrien

1 – Cf. Conversation entre A. Juppé et R. Koolhaas (le 14/9) dans le cadre d’Agora 2012 à Bordeaux, au Hangar 14. Vidéo accessible sur Dailymotion. R. Koolhaas avait fait ce calcul pour son exposition “Cronocaos”, créée en 2010 à la Biennale de Venise.
2 - En prévision du pire (cataclysme ou autre), une réserve mondiale de graines (4,5 millions d’échantillons) a été constituée à l’extrême nord de la Norvège.
3 - Cf. Agora 2012 à Bordeaux ; Ch. Callais et Th. Jeanmonod,
Bordeaux Patrimoine mondial. La fabrication de la ville, éd. Geste, 2012 ; et (p. 13) le colloque organisé par l’École de Chaillot “Patrimoine(s), formation et recherche”.
4 - Cf., entre autres, www.sudouest.fr du 15/9 et www.liberation.fr du 26/9.

 

 

Au sommaire

 

"Louviers, cloître musical", par François Lamarre
École municipale de musique Maurice-Duruflé, couvent des Pénitents, Louviers (Eure). Programme : accueil, bureaux, partothèque, 24 salles d’étude et deux salles d’orchestre dont un auditorium de 50 places. Maîtrise d’ouvrage : Ville de Louviers. Maîtrise d’œœuvre : Opus 5 architectes (Bruno Decaris, Agnès Pontremoli, Pierre Tisserand). Surface : 2 000 m2. Coût des travaux : 4,5 M€€ HT. Calendrier : concours 2006, études 2007-2009, chantier 2010-2012.

"L’art, l’architecture et le vin au Château La Coste", par Jean-François Pousse
Château La Coste, 2750 route de la Cride, Le Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône). Programme : bâtiment d’exposition, masterplan, installation des sculptures et pavillons, aménagement paysager, hôtel-spa 5 étoiles. Maîtrise d’ouvrage : SCEA Château La Coste. Maîtrise d’œœuvre : Tangram Architectes / FGC-AA, Christopher Green et Barbara Blanc, chefs de projet. Domaine : 191 ha ; Art Center (T. Ando arch.) : 886 m2 Shon.

"Oullins, une médiathèque en cœœur de ville", par Gabriel Ehret
Médiathèque, 8 rue de la République, quartier de la Saulaie, à Oullins (Rhône) Maîtrise d’ouvrage : Ville d’Oullins. Maîtrise d’œœuvre : Gautier+Conquet (AABD avec Bruno Dumétier lors du concours), David Vial architecte associé. Surface : 2560 m2 Shon. Coût : 5,5 M€ HT. Calendrier : concours 2006, inauguration novembre 2010.

"Fernand Pouillon, le roman d’un architecte. Un documentaire", par Rémi Guinard
Fernand Pouillon, le roman d’un architecte, documentaire écrit et réalisé par Christian Meunier, France, prod. Kerala films / France 3 Méditerranée, 2002, 52’ ; édition Dvd par Image de ville / France 3, 2012, 20 €€.

"Où va la ville aujourd’hui ?", par Thierry Mandoul
Jacques Lucan, Où va la ville aujourd’hui ? Forme urbaines et mixités, Paris, La Villette, coll. Études et perspectives, 2012, 196 p., 26,50 €.

"Reconquérir les rues", par Anne Demerlé-Got
Nicolas Soulier, Reconquérir les rues, exemples à travers le monde et pistes d’actions pour des villes où l’on aimerait habiter, Paris, Ulmer, 2012, 286 p., 26 €€.

"Les architectures de la Reconstruction", par Guy Lambert
• Élisabeth Marie, Gilles Désiré dit Gosset (dir.), Une renaissance au 20e siècle. La reconstruction de la Manche (1944-1964), Cully, Orep, 2011, 220 p., 29,90 €. Catalogue de l’exposition organisée par le conseil général de la Manche à Saint-Lô, juin-décembre 2011. –
• Gilles Plum, L’Architecture de la Reconstruction, Paris, Nicolas Chaudun, 2011, 288 p., 35 €€.

"Patchworks parisiens. Petites leçons d’urbanisme ordinaire", par Pierre Pinon Michaël Darin, Patchworks parisiens. Petites leçons d’urbanisme ordinaire, Paris, Parigramme, 2012, 214 p., 19,90 €€.

"Les Faubourgs de Damas", par Alain Borie
Yves Roujon, Luc Vilan (dir.), Les Faubourgs de Damas, atlas contemporain des faubourgs anciens : formes, espaces et perspectives, Damas, Presses de l’Institut français du Proche-Orient, 2010, 393 p., 55 €€.

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