N°56 - février 2006

La colline de Chaillot

Les chantiers sont souvent l’occasion de découvertes sur les états antérieurs des lieux. C’est pourquoi les fouilles archéologiques suivent souvent les tracés d’autoroutes, précédant le bouleversement radical du terrain et les nappes d’asphalte, ou arrêtent pour un temps la transformation d’un monument. Ainsi les travaux du Grand Louvre, en révélant les traces de la longue vie du palais, ont-ils contribué à enrichir les connaissances sur l’histoire de Paris, bien au-delà de celle du monument lui-même.

Si le Palais de Chaillot est beaucoup plus récent, le site de la colline éponyme est riche en épisodes divers dont bien des détails restent à (re)découvrir. Récemment, l’incendie du musée des Monuments français (1997) a permis de révéler la structure métallique de la verrière du palais du XIXe siècle, et le chantier d’aménagement de l’aile Paris en vue de l’installation de la Cité de l’architecture et du patrimoine apporte aussi son lot d’informations et, plus encore, de questions. D’où l’idée d’accompagner l’installation en ce début 2006 des équipes de la Cité au Palais de Chaillot* par un colloque international, intitulé “La colline de Chaillot et ses palais”1 conçu et organisé par les deux départements tournés vers le patrimoine, le MMF et le Cedhec, avec l’aide du Centre des archives d’architecture du XXe siècle de l’IFA. Celui-ci détient en effet les archives de Jacques Carlu (1890-1976) qui, avec Louis-Hyppolite Boileau et Léon Azéma, est l’architecte du Palais actuel, réalisé pour l’Exposition internationale des arts et techniques de 1937.
Mais le bâtiment a eu des vies antérieures qui l’habitent encore puisqu’il est issu de la reconstruction partielle du Palais du Trocadéro de Davioud et Bourdais, lui-même construit pour l’Exposition de 1878 et dont on a de nombreuses représentations, y compris photographiques : le corps principal était un édifice sous coupole flanqué de deux minarets et positionné dans l’axe de la perspective Trocadéro-École militaire, à l’emplacement de l’actuelle esplanade des Droits de l’homme, alors que le projet de Carlu a évidé l’axe entre les deux ailes, tout en s’appuyant sur l’ancienne structure. D’où le curieux dispositif de la double galerie d’exposition curviligne, la galerie Davioud, qui subsiste, étant doublée sur tout son long par la galerie Carlu. Si l’on remonte encore dans le temps, au Premier Empire cette fois, on trouve le projet du palais du Roi de Rome confié par Napoléon Ier aux architectes Percier et Fontaine dont une partie des archives sont depuis peu à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Même si la construction de ce palais a été interrompue au niveau des fondations par la chute de l’empire, celles-ci ont été utilisées pour les aménagements ultérieurs de la colline. De nombreux bâtiments réalisés à l’occasion d’expositions universelles ont eu un rôle structurant dans le paysage urbain des villes : en vis-à-vis de la Tour Eiffel de l’autre côté de la Seine, le Palais de Chaillot - quelque jugement qu’on ait sur son architecture - compose avec la dame de fer et le Champ de Mars un cadre majestueux pour le fleuve. Cette séquence écrite à l’échelle du grand paysage urbain fait écho, dans une forme urbaine très différente, à celle de la place de la Concorde dont l’impact va en fait de la Madeleine jusqu’à la Chambre des députés.
Gwenaël Querrien

1 - Cf. sur ce site, rubrique "Conférences..."

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